Première Année
Comédie dramatique de Thomas Lilti (2018). Avec Vincent Lacoste, William Lebghil. 1h32.
La fin, c’est donc le début. Belle idée. Comme une métaphore de son propre parcours, qui l’a vu troquer le caducée contre la caméra, et aussitôt revenir au premier avec la seconde, le docteur Thomas Lilti referme son triptyque sur la médecine par le chapitre qui aurait dû logiquement l’inaugurer : la fameuse première année de faculté au terme de laquelle un impitoyable concours offre ou refuse aux étudiants le droit d’apprendre à soigner, d’apprendre à sauver. Clin d’oeil du réalisateur : le Vincent Lacoste de « Première Année » tente pour la troisième fois d’obtenir le sauf-conduit qui a permis, il y a quatre ans, au Vincent Lacoste d’« Hippocrate » de commencer son internat dans le service hospitalier de son père. Mais si Thomas Lilti a tardé à décrire cette « Première Année », c’est peut-être qu’elle est, paradoxalement, la plus violente. La plus aberrante, aussi. Il lui suffit, en effet, de quatre-vingtdouze minutes pour démontrer comment des filles et des garçons aspirant à exercer ce métier admirable sont broyés par une machine mortifère, abrutis par une compétitivité kafkaïenne et contraints de préparer un concours qui ressemble à une finale démentielle de « Questions pour un champion » ou du « Maillon faible », où seuls prévalent le par-coeur et le sans-coeur. Dans cet examen, pas de place, évidemment, pour la médecine, cette science qui est un art. Ce film serait une excellente comédie d’apprentissage si ce n’était, en creux, une tragédie politique : en suivant jour et nuit deux étudiants venus de deux mondes socioculturels opposés, Antoine (Vincent Lacoste) et Benjamin (William Lebghil), qui sont lancés dans une même course folle, le médecin-cinéaste montre sur quelle absurdité est construit le système de santé. Par bonheur, Thomas Lilti soigne sa saine colère en faisant le portrait d’une très belle amitié, qu’il élève ici au rang de panacée, et dont l’épilogue a valeur de morale.