L’Ascension et la Chute de Carlos Ghosn

Documentaire de Gilles Cayatte (2020). 1h20.

Carlos Ghosn s’exprime sur sa carrière et ses choix. Tout ça posément, bien loin de sa folle logorrhée de janvier, quand l’ancien patron de Renault et Nissan avait tenu une conférence de presse surréaliste peu après avoir fui la justice japonaise. Enfin, des réponses à nos questions, avait-on la faiblesse de croire. Las, ce film fait le choix singulier de raconter la vie de Carlos Ghosn sans entrer dans le détail des accusations portées contre lui. Pas un mot sur les charges d’abus de confiance – les magistrats nippons le soupçonnent d’avoir détourné des fonds de Nissan pour l’achat d’un yacht. Rien sur les soupçons d’abus de biens sociaux pour des séjours à Rio ou à Cannes… Rien non plus sur les conditions de son évasion rocambolesque. Non, le film colle à l’histoire de Ghosn telle qu’il l’a racontée toute sa vie, celle d’un enfant né au Brésil puis revenu dans le Liban de ses ancêtres, avant de débarquer en France pour faire Polytechnique ; suivra une carrière de haute volée chez Michelin, puis chez Renault, qui l’envoie en 1999 sauver Nissan, dont le groupe français vient de prendre le contrôle. Ce n’est pas toujours inintéressant, même si certaines impasses ne manquent pas d’étonner – comment expédier en moins de trente secondes le passé judiciaire de son père, que Ghosn a caché toute sa vie, et qui, de l’avis même de ses proches, est la clé de tout ? Ghosn apparaît quand même tel qu’il est. Cupide, il ne l’a jamais caché – « Moi, je fais partie d’un marché, et le marché il est mondial », expliquet-il à propos de sa folle rémunération. Mégalo, aussi – « La marque Nissan n’avait absolument aucun prestige » à son arrivée… Mais si le clan Ghosn voyait ce film comme un premier élément de reconquête de l’opinion avant la sortie de son livre cet automne, c’est raté. Parce que ses amis esquissent un personnage ayant fini par perdre pied avec tout sens commun. Mais aussi parce que le doc donne la parole au prédécesseur de Ghosn chez Renault, Louis Schweitzer, dont le témoignage est dévastateur.