ISLAMOMODÉRÉ
Tout«Charlie» que je suis, dans la vie de tous les jours je suis un irrécupérable islamo-gauchiste. Je suis a able avec les islamistes de ma rue. Au supermarché, je souris aux jeunes mamans fondamentalistes, avec un certain zèle même, pour ne pas paraître excluant, tout en m’e orçant bien entendu de ne rien mettre de sexuel dans ce sourire. Je pratique l’accommodement raisonnable. Si la nounou est croyante je ne mets pas de porc dans le panier-repas et j’évite de me quereller avec elle sur des questions de laïcité. Chez des gens qui ont les atours de la piété musulmane, je prends garde à ne pas froisser. J’adopte une retenue que je m’imagine islamique. Je me tiens légèrement penché en avant, dans une posture déférente. Je parle d’une voix douce, avec perpétuel sourire. J’acquiesce à tout. Cela agace ma femme, qui me dit : « Arrête de leur parler comme s’ils avaient un cancer ! » Ma femme note que, lorsque je rends visite à la partie catholique de sa famille, je n’ai pas la même prévenance. Je m’a ale dans le canapé comme un héroïnomane et j’engage agressivement la conversation sur des sujets clivants : sexe, drogue, prostitution, GPA, pédophilie dans l’Eglise. Je tourmente sa vieille tante en lui répétant, le doigt brandi, qu’il n’existe aucune preuve de l’existence de Jésus. « Tu irais dire à Aïcha que Mahomet était un illuminé qui entendait des voix? » demande ma femme. Je me désolidarise totalement de ces propos blessants pour des milliards de croyants à travers le monde.
Il m’est quelquefois arrivé d’être traité d’islamo-gauchiste, quand ce n’est pas d’« islamo-gauchiasse », par des internautes en colère. Je n’aime pas l’expression, et je l’aime encore moins depuis que des ministres l’utilisent, mais je n’irais pas jusqu’à dire, comme certains islamo-gauchistes dans mon entourage, qu’elle ne désigne rien. « Les islamo-gauchistes à l’université, c’est une invention de l’extrême droite », me dit, furieux, un ami islamo-gauchiste qui enseigne à l’université. Il me rappelle ces islamophobes qui tiennent l’islamophobie pour une invention de l’extrême gauche. Ou ces néoréacs qui s’énervent lorsqu’on les qualifie de néoréacs. On n’aime jamais comment nos ennemis nous nomment. C’est notre drame : on ne choisit pas son nom tout seul. Les autres ont leur mot à dire, et il est rarement gentil. Après tout je suis de gauche, et je n’ai rien contre les musulmans. Visiblement ça n’est pas le cas de tout le monde. Alors « islamo-gauchiste », pourquoi pas.
Mais attention, à l’insulte n’ajoutons pas le simplisme : il n’y a pas un seul islamogauchisme. Il y a des islamo-gauchismes. J’appartiens au camp des islamo-gauchistes modérés. Je milite pour une islamo-gauche de gouvernement, capable de confronter ses islamo-idéaux à la réalité. Une gauche islamo-réformiste qui régule l’économie de marché et combat le terrorisme. Plus qu’un islamo-gauchiste, je suis un social-islamo-démocrate. Je préfère une politique islamo-responsable, soucieuse de protéger les plus fragiles, à l’islamo-démagogie qui promet le paradis sans pouvoir l’o rir, comme le font ces sheitans de La France insoumise. Car il existe deux islamo-gauches irréconciliables, et je reste fidèle à l’islamo-socialisme jadis porté par Abou Mauroy, ou par El Hadj al-Jospin, paix et bénédiction sur eux. Wa aleykoum salam, camarades.