“Nous n’avons pas les moyens de mettre en oeuvre cette stratégie”
Vous n’êtes pas favorable à l’application de la stratégie « zéro Covid » en France. Pourquoi ?
Je ne suis pas contre cette stratégie dans l’absolu, j’y étais d’ailleurs favorable au printemps 2020. Mais je n’y crois plus parce que j’ai compris, à l’épreuve des faits, que nous ne sommes pas en mesure de la mettre en oeuvre en France. J’en veux pour preuve le fait que nous avons eu deux occasions de l’appliquer, d’abord en mai 2020 après le premier confinement pour tarir les foyers épidémiques persistants, puis en juillet 2020, lorsque le nombre quotidien de contaminations était très faible, ce qui aurait dû permettre de remonter aux sources et de casser les chaînes de contamination. Or, lors de ces deux occasions, nous avons échoué.
Comment l’expliquez-vous ?
La stratégie zéro Covid nécessite une politique de santé publique et des moyens qui nous font défaut. Elle requiert tout d’abord un dispositif « tester/tracer/isoler » très efficace, reposant sur des professionnels en nombre suffisant dont nous ne disposons pas. Elle réclame aussi une stratégie claire en matière d’isolement des malades et de contrôle des frontières, que nous n’avons pas non plus, et elle nécessite une réactivité importante avec des mesures de reconfinement strict dès la réapparition de quelques cas, ce que le gouvernement n’est pas enclin à faire. Dans le fond, il nous manque des instances de santé publique capables de répondre à des crises de grande ampleur, autant de failles qui expliquent ces occasions manquées. Il faudra d’ailleurs impérativement tirer les leçons de ces défaillances que partagent d’autres pays européens, une fois la crise terminée.
Serait-ce aussi un problème culturel ? La stratégie zéro Covid requiert une grande fermeté, notamment dans l’application et le respect des mesures d’isolement et de quarantaine.
Je ne crois pas. Il suffit de voir comment les Français se sont approprié le port du masque, par exemple, alors qu’on aurait pu penser, il y a seulement un an, qu’il leur serait beaucoup plus difficile d’adopter cette mesure de freinage, très éloignée, elle aussi, de leurs habitudes culturelles.
Dans ces conditions, la vaccination reste-t-elle notre seul espoir de renouer un jour avec une vie normale ?
Oui. La vaccination est notre meilleure arme à moyen terme, avec deux facteurs d’optimisme : l’efficacité très élevée des vaccins, plus 95 % pour certains, un atout essentiel pour contrôler une épidémie, et une nouvelle technologie, l’ARN-messager, permettant une adaptation rapide des vaccins aux nouveaux variants. Même des pays ayant misé avec succès sur la stratégie zéro Covid comme la Corée du Sud en ont commandé en masse il y a un mois.