Eric Piolle, un songe en Isère
Le maire de Grenoble, probable candidat à la primaire d’EELV, compte bien créer la surprise en 2022. Ses détracteurs l’accusent d’être un “Khmer vert”. Ses soutiens voient en lui le futur rassembleur de la gauche. Itinéraire d’un outsider ambitieux
C’était au départ un petit noyau d’amis de gauche, en quête du candidat idéal pour 2022. L’an passé, Antoine, un jeune entrepreneur, et des copains cadres dans de grandes sociétés avaient lancé une étude comparative: quelle serait la personnalité la plus à même de rassembler et concilier leurs idéaux sociaux et écolos ? Surprise : c’est le nom d’Eric Piolle qui est sorti du chapeau. Après des mois à relayer ses déclarations sur les réseaux sociaux, ils ont rencontré l’heureux élu en mai dernier, sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame, à Paris. « Je ne savais pas d’où ils sortaient », raconte, amusé, le maire de Grenoble qui a partagé avec eux un falafel et leur a dit sa détermination à faire gagner la gauche. Depuis, Antoine sent un frémissement : « J’ai converti un de mes gros clients à la “piollitude”. » Il réfléchit même à changer le nom de son compte Twitter baptisé « Et Pourquoi Pas Piolle » (3600 abonnés): « Maintenant, on est sûrs que ce doit être lui! »
Et si c’était le cas? L’ingénieur écologiste de 48 ans, à la tête de Grenoble depuis six ans et réélu l’été dernier, sera-t-il le futur sauveur d’une gauche éparpillée? L’outsider qui coi era au poteau les Hidalgo, Jadot ou Mélenchon, et redonnera des couleurs à un camp qui en a tant perdu? L’homme qui profitera de la prise de conscience de l’urgence environnementale pour porter les Verts au pouvoir? On n’en est pas là. L’Isérois a désormais les honneurs des matinales des radios et télés, mais reste un parfait inconnu aux yeux du grand public. Et pourtant, il y croit. Car tout pourrait vite changer s’il était désigné par EELV et ses associés pour les représenter. Ses chances sont réelles. Les écolos n’aiment-ils pas plus que tout déjouer les pronostics et renverser les favoris? Dans sa ville, chez les Verts et à Paris, le « piollisme » a déjà ses adeptes. Pour eux, le maire de Grenoble est le pionnier de l’écologie municipale. Le premier de cordée qui a ouvert la voie verte vers les sommets. L’écolo qui s’est coltiné le réel et a transmis
la culture de la gagne à des militants habitués au rôle d’opposant. Le seul, aussi, capable de rassembler toute la gauche, puisqu’il dirige sa ville avec des Verts, des « insoumis » et des ex-socialistes.
Pour ses détracteurs, nombreux eux aussi, c’est « le vide à moitié vert », surnom saignant donné par « le Postillon », « le Canard enchaîné » grenoblois. Ou, pis, un « Khmer vert » décroissant, anti-voitures, anti-Tour de France, opposé à la 5G qui ne servirait qu’« à regarder du porno dans l’ascenseur », bref antitout… Qui est-il vraiment? Un « Piolle Pot’ », comme l’avaient surnommé des commerçants grenoblois, ou le nouveau leader de l’écologie française? L’ingénieur avance en tout cas avec une détermination sereine, comme habité et sûr de son fait. « C’est un compétiteur, dit un de ceux qui ont accompagné ses débuts en politique. Il n’est pas là pour faire de la figuration. Il n’a jamais mis de plafond à ses ambitions, ni de limite à ses propres capacités. » Déjouer les sondages qui le donnent à 2%?A ronter la dureté d’une campagne présidentielle et se préparer à l’exercice du pouvoir? A « l’Obs », il répond sans fausse pudeur ni modestie: « Je m’en sens. »
A l’origine, Eric Piolle voulait être prof d’histoire ou de maths. Bac en poche, il choisit d’être ingénieur pour ne se « fermer aucune porte ». Né en 1973, dernier d’une fratrie de quatre, il a grandi entre Pau et Arette, aux confins du Béarn. Il n’a pas connu le tremblement de terre qui a frappé ce petit village en 1967, auquel sa soeur a réchappé miraculeusement. Son père est directeur de recherche au CNRS. Sa mère est sociologue dans une association de prévention. Des cathos de gauche, amoureux de la montagne, qui l’emmènent l’été au cirque de Gavarnie, deux citoyens engagés dans le monde associatif dont il cultive encore les valeurs. Au lycée Barthou à Pau, il fait de l’aide aux devoirs pour les gamins défavorisés, milite à Amnesty ou à l’Acat, une ONG chrétienne contre la torture. Dès les années 1990, il ne croit plus aux recettes des socialistes qui ont renoncé « à transformer le système » et choisit Noël Mamère pour son premier vote. Aujourd’hui, sa femme est engagée dans une aumônerie, ils ont quatre enfants (de 15 à 23 ans), vont parfois à la messe. M. le maire cite l’Evangile comme un moteur de son action et se présente dans une formule intrigante comme « pratiquant mais pas croyant ».
Dès l’école d’ingénieurs, qu’il choisit à Grenoble pour rester au pied des montagnes, il se découvre une première cause politique: la semaine de quatre jours, le dada de son cousin germain Pierre Larrouturou. Un jour, l’étudiant réunit 400 personnes pour un colloque sur le sujet dans un amphi. Ses profs, qui le voient arriver du lycée Barthou de Pau, le même que celui fréquenté par l’ancien maire de Grenoble Hubert Dubedout, l’accueillent d’un « voilà notre futur maire ». Lui n’y pense même pas. Ce n’est que tout récemment qu’il a relu la thèse de sociologie de son père, décédé il y a plus de deux ans, sur « les citadins et leur ville »…
“UN PEU CATHO, MAIS PAS TROP”
Piolle en est convaincu, il n’est pas du même bois que les autres politiques car il s’est « engagé sur le tard ». Ce récit gomme pourtant un titillement plus précoce: à 24 ans, le jeune ingénieur est déjà candidat aux législatives pour défendre la semaine de quatre jours (1,35 %) ; sa femme Véronique le sera aussi. Avant que Pierre Larrouturou ne glisse son nom à ses amis écolos pour les régionales de 2010. Eric Piolle est élu, devient coprésident du groupe EELV de la région Rhône-Alpes et se plonge dans les dossiers de rénovation de lycées. Sur les trajets de retour des sessions à Lyon, Maryvonne Boileau, tête de liste verte à Grenoble en 2008, lui sou e l’idée de conquérir la ville. Son compagnon, Vincent Comparat, un homme-clé dans la victoire, ancien du PSU formé par un secrétaire de Trotski, est l’un des dirigeants de l’Ades, l’Association Démocratie, Ecologie, Solidarité, le mouvement qui rassemble la gauche citoyenne grenobloise. Le couple voit très vite le potentiel de cet homme bien sous tous rapports, cadre chez le géant de l’informatique Hewlett-Packard, et père de famille engagé à RESF (réseau d’associations pour les enfants sans papiers).
« Eric, c’est le Grenoblois parfait, sportif, beau gosse, un peu catho mais pas trop, pas politique mais un peu. Et il est du sérail: être ingénieur à Grenoble, c’est une vraie
“C’EST UN COMPÉTITEUR. IL N’EST PAS LÀ POUR FAIRE DE LA FIGURATION.”
UN PROCHE
tendance », explique le sociologue Erwan Lecoeur, son ex-directeur de la communication à la mairie. Pendant la campagne, un soir, autour d’un verre de whisky, Piolle lui raconte sa vie dans le secteur privé et les conditions de son départ: il s’est opposé à un plan de délocalisation voulu par son patron texan. La légende, pour une fois vraie, est née: celle du cadre qui s’est dressé contre les licenciements. Au travail, il se baladait en tee-shirt imprimé et baskets. Le politique enfile désormais veste et chemise blanche. Mais jamais de cravate. L’alchimie opère: la gauche citoyenne et associative roule pour lui, le PS de Michel Destot est en fin de cycle et l’ombre d’Alain Carignon, l’ex-maire condamné pour corruption, plane toujours sur la droite. La fibre écolo de Grenoble – « au bout de chaque rue, une montagne », écrivait Stendhal à propos de sa ville natale – fait le reste. N’est-ce pas ici que Claude Lorius, l’un des premiers à avoir mis en évidence le lien entre les gaz à e et de serre et le réchau ement climatique, a dirigé le laboratoire de glaciologie? En mars 2014, Eric Piolle empoche l’hôtel de ville. Le soir même, il s’en étonne à peine auprès d’un élu: « Tout ce que j’entreprends, je le réussis, d’ailleurs, mes frère et soeurs sont jaloux. »
Certes, à 34 ans, il a déjà été cadre dirigeant de HP, jusqu’à en devenir directeur des opérations pour le service après-vente pour 120 pays d’Europe, d’Afrique et du Moyen-Orient. Mais diriger une ville, c’est autre chose… « C’est comme prendre un immeuble sur la tronche », confie-t-il. Le défi ne l’e raie pas. Quinze jours à peine après son élection, il dîne chez Olivier Noblecourt, qui compte alors parmi ses amis : le socialiste a été adjoint de Destot et connaît par coeur Grenoble, tout comme sa compagne, élue à la jeunesse. Ce soir-là, le voisin du dessus, directeur d’une grande institution culturelle locale, se joint aux agapes. Comme à son habitude, Piolle, qui a un bon coup de fourchette, est de bonne compagnie. Mais ses hôtes sortent de la soirée avec une drôle d’impression: « Il a passé huit heures avec nous et pas une seule fois il n’a demandé un conseil ou un avis alors qu’il venait d’arriver comme une comète à la tête de Grenoble. On était ébaubis. »
Pour gouverner, le maire s’appuie sur un trio de copains passés par Sciences-Po et qui ont un temps vécu en coloc: il y a là Enzo Lesourt, son plus proche conseiller, son « deuxième cerveau » comme il l’a présenté, l’homme qui pense les séquences et les mots, celui qui façonne le personnage Piolle ; Yann Mongaburu, « baba cool mais redoutable », dixit un élu; et Gaël Roustan, son premier dircab. Ce dernier est limogé à mi-mandat, sans préavis. Ce jour-là, Eric Piolle l’annonce à ses élus des larmes dans la voix, mais tout le monde retient l’acte d’autorité. A la place, il nomme une cadre venue de chez HP comme lui, Odile Barnola, surnommée « Madame Tableau Excel ». Un petit clan
“TOUT CE QUE J’ENTREPRENDS, JE LE RÉUSSIS, D’AILLEURS, MES FRÈRE ET SOEURS SONT JALOUX.”
ÉRIC PIOLLE
entièrement dévoué mais incapable, regrettent certains, de dire au chef ses quatre vérités. Piolle impose son style, ses petites fiches Bristol où il résume sa pensée avec « des “bullet points” plus que de la grande prose », ses réunions à 6h30 du matin après avoir sué sur son vélo d’appartement en avalant un documentaire ou un épisode de « Game of Thrones ». Fan des Girondins de Bordeaux époque Giresse et Tigana, ancien joueur de ping-pong de haut niveau, ce sportif touche-à-tout dévore entièrement « l’Equipe » chaque jour. Boulimique pressé, il écoute ses podcasts en accéléré.
En manager appliqué, il emmène trois fois par an sa majorité en séminaire dans les Alpes. Fait rare : ses quarante-deux élus venus de l’Ades, du Parti de Gauche, d’EELV, de Génération·s ont accepté de se fondre dans un groupe unique. Cet assemblage multicolore a résisté à la grosse secousse de début de mandat. Alors que les finances sont dans le rouge et que l’Etat coupe dans les dotations, l’élu monte un plan de sauvegarde et se résout à fermer deux bibliothèques implantées dans des quartiers populaires. Grenoble se pince : c’est donc ça, l’écologie au pouvoir ? Le maire assure qu’il n’a pas le choix, que c’est le prix à payer pour mener la transition. Mais un mouvement social se lève et tambourine plusieurs mois à la porte du conseil municipal. Au Parti de Gauche, des militants rendent leur carte. Elisa Martin, la première adjointe, formée à l’école Mélenchon, assume. A ses troupes, le chef des « insoumis » a commandé d’être solidaires : le modèle rouge-vert grenoblois doit faire ses preuves. Finalement, deux élus de la majorité s’abstiennent de voter les coupes budgétaires. Ils sont aussitôt exclus. « Vous êtes de bons militants, mais vous ne voulez pas vous salir les mains », leur lâche Piolle, façon gestionnaire.
CIBLÉ PAR LE GOUVERNEMENT
Dès le départ, l’ingénieur porte une attention toute particulière à sa communication. « Le récit global de la mandature était pensé, il y avait la volonté de faire savoir », dit Gaël Roustan. Parmi les décisions symboliques : la baisse des indemnités des élus, le retrait des voitures de fonction au profit du vélo ou de l’auto-partage et des centaines de panneaux publicitaires Decaux démontés. Un peu bravache, le maire propose aussi à son homologue de Nice, Christian Estrosi, de racheter ses caméras de surveillance, avant de plaider un « humour caustique ». Dans les cantines scolaires, il impose un à deux repas végétariens par semaine sans que personne s’en émeuve, il développe les axes vélos, les espaces piétons et les pelouses, ce qui ne l’empêche pas de se montrer pragmatique dans le bureau du ministre François de Rugy pour défendre aussi l’élargissement d’une autoroute urbaine. Pour ses opposants, il ne se passe pas grand-chose: « C’est le règne du “small is beautiful”. On ne construit plus de HLM, les quartiers populaires sont délaissés. L’écologie sans la lutte des classes, c’est du jardinage », dénonce Olivier Noblecourt, battu aux municipales. Pour l’ancien délégué à la pauvreté, « c’est une majorité qui se soude sur des symboles. Eric Piolle est un homme qui prêche la vertu, il indique le camp du bien à ses troupes mais il ne fait pas, il ne fabrique pas ».
Le cas Piolle est aussi ciblé par le gouvernement: Gérald Darmanin attaque le maire sur le niveau particulièrement bas d’investissements sur la sécurité, gros enjeu dans cette ville minée par le trafic de stups et les règlements de comptes, où Nicolas Sarkozy avait tenu son fameux discours. Eric Piolle, lui, renvoie l’Etat à ses responsabilités, continue de défendre la légalisation du cannabis et le non-armement de la police municipale. Marlène Schiappa, elle, l’accuse carrément de « soumission », lui reproche d’avoir tergiversé lorsqu’une association locale a voulu imposer le « burkini » dans une piscine. « J’ai deux adversaires, l’islam politique et l’extrême droite, et on voudrait que je rentre dans la mêlée pour leur donner un terrain de jeu? C’est non », répond aujourd’hui le maire. Désormais, il réclame même le remboursement des subventions versées par la mairie à une association liée au controversé Collectif contre l’Islamophobie en France, dissous après l’assassinat de Samuel Paty. Il n’avait pas signé l’appel à la marche du 10 novembre lancé par ce collectif, mais n’a pas voulu l’ébruiter pour ne pas diviser son camp. Face aux critiques venues de toutes parts, il brandit son score du premier tour, 46,7%, et le choix de la Commission européenne de nommer sa ville capitale verte en 2022. Quelle meilleure carte de visite pour partir en campagne? « Ce que j’entreprends à Grenoble, dit-il, c’est une façon de voir la société, que j’incarne et qui marche. »
“L’ÉCOLOGIE SANS LA LUTTE DES CLASSES, C’EST DU JARDINAGE.”
OLIVIER NOBLECOURT, UN OPPOSANT
Pas encore déclaré o ciellement à la primaire, il multiplie désormais les déplacements pour donner corps au « piollisme ». Il dit avoir compris dans ses années HP qu’il refusait un monde guidé par la compétitivité et la croissance à tout prix. Dans sa boîte, on classait les pays rouges contre les pays verts : ceux à coût du travail élevé contre ceux où règne une plus grande flexibilité. Du « délire ». Pour ses adversaires, une a aire vient pourtant ternir ces beaux engagements: le maire est actionnaire d’une start-up de gestion des risques financiers, Raise Partner, aujourd’hui implantée à Singapour et dans laquelle son épouse est cadre dirigeante. Il combat les paradis fiscaux mais des clients de la société y sont domiciliés. Le péché originel selon ses opposants de gauche. Eric Piolle rétorque qu’il ne détient que « 0,12 % » des actions et qu’il ne vit pas « hors du monde » : « Sinon, je me passe aussi de téléphone portable. » Le patron du Medef, Geo roy Roux de Bézieux, qui l’a rencontré il y a quelques mois, l’a jugé intéressant.
UN DÉCLIC
Piolle n’est pas né écolo, mais raconte avoir eu une révélation en lisant « The Carbon War » de Jeremy Leggett au début des années 2000. Son projet à lui n’est pas porté par « l’urgence » mais par une « quête de sens » : pas la peine de courir après le consumérisme, la pub ou la 5G. Il en discute avec les philosophes Bruno Latour et Pierre Charbonnier, l’historienne Mathilde Larrère, dîne avec Edgar Morin, échange avec Gaël Giraud. Il loue aussi la vision de Jean-Luc Mélenchon. En juillet dernier, les deux hommes ont déjeuné trois heures à Paris. A la dernière présidentielle, Piolle l’avait soutenu avant d’espérer aujourd’hui aller conquérir ses électeurs.
Car sa force, assure-t-il, c’est sa capacité à rassembler ce qu’il appelle « l’arc humaniste », qui va des « insoumis » à l’aile verte du PS. L’ingénieur estime qu’il en est « le barycentre ». Qui d’autre que lui peut réunir sur un terrain de football, pour une photo de campagne, le député Matthieu Orphelin, François Ru n ou Audrey Pulvar ? Mais la présidentielle n’est pas un sport collectif. Et pour ses rivaux isérois, cette volonté se heurte à sa pratique locale : le maire s’est violemment confronté aux socialistes pour le contrôle de la métropole. « C’est moi qui fixe le cadre sur ce territoire », leur a-t-il lâché lors d’une réunion en juillet dernier, avant l’élection. Raté : son candidat, Yann Mongaburu, trop clivant, a été battu par l’ancien socialiste Christophe Ferrari. En octobre, ce dernier a dîné avec Piolle qui ne cachait pas ses ambitions nationales : « Il m’a dit : “J’ai besoin de toi pour ma campagne, j’ai besoin que tu parles de ce qu’on fait à la métropole.” » Réponse de l’intéressé: « Je sais que tu fais beaucoup de médias nationaux, mais utilise le “nous” plutôt que le “je”, c’est un bilan commun. »
La présidentielle, jure-t-il, n’avait jamais été dans ses plans. « Mais il y a le parcours et les circonstances. » Alors, il s’y prépare, consulte à tout-va, bosse avec un coach vocal, s’entraîne à parler sans filtre pour livrer ses émotions. Il y a quelques années, à la moitié du mandat Hollande, quand la gauche avait un genou à terre, des émissaires étaient déjà venus le sonder dans sa mairie. « Qu’est-ce que t’en penses? », avait demandé l’intéressé à quelques proches. Sans trop y croire. Trop tôt. Depuis, Emmanuel Macron a été élu, balayant la gauche et la droite, et prouvant qu’on peut ravir l’Elysée en quelques mois. Un déclic: « Je comprends que je vais avoir une responsabilité », dit-il. Certes, la vie c’est aussi les randos au sommet de la Chartreuse, les apéros avec son copain astrophysicien, mais il ne peut pas se dérober. « L’éthique, c’est d’être à la hauteur des événements qui vous font face », dit-il en citant le philosophe jésuite Paul Valadier. Comme si le devoir l’appelait. Anne Hidalgo, avec qui il s’est a ché, peut bien se préparer elle aussi. Yannick Jadot, bien plus installé dans l’opinion, juge qu’il n’est pas prêt. Eric Piolle, lui, estime avoir « fait le chemin », comme il l’a confié il y a un mois à son ami le pédagogue Philippe Meirieu. Le nom gréco-basque du micro-parti qu’il a créé il y a quelques mois dit d’ailleurs bien sa conviction: Kairos Etxea signifie « la maison du moment opportun ».
■
“JE COMPRENDS QUE JE VAIS AVOIR UNE RESPONSABILITÉ.”
ÉRIC PIOLLE