Coppola, retour vers le passé
PEGGY SUE S’EST MARIÉE, JARDINS DE PIERRE, PAR FRANCIS FORD COPPOLA. DISPONIBLES EN BLU-RAY/DVD CHEZ CARLOTTA.
il est communément admis que, dans les années 1980, Francis Ford coppola n’était plus que l’ombre de lui-même. une ombre moins imposante que celle jetée sur sa carrière par ses grands films de la décennie précédente, mais une ombre riche de nuances, qui le racontent, lui et son pays, de manière plus secrète, intime. roi des années 1970 grâce au triomphe historique des deux premiers « parrain » et à ses deux palmes d’or (« conversation secrète » en 1974 et « apocalypse now » en 1979), coppola entre dans les années 1980 en chutant de son piédestal : « coup de coeur », somptueuse radiographie d’un couple pris dans les lumières factices de las Vegas, tourné en vidéo (du jamais-vu à l’époque), est un bide retentissant qui précipite sa société, zoetrope, au bord de la faillite. pour éponger ses dettes, coppola fait mine d’épouser les modes d’un hollywood en phase avec la devise reaganienne « Make America great again » et enchaîne les oeuvres de commande. deux d’entre elles sont rééditées en dVd/blu-ray. dans « peggy sue s’est mariée » (1986), une mère divorcée (Kathleen turner, au pic de sa gloire), lors d’un bal commémoratif avec ses anciens camarades de lycée, est replongée vingt-cinq ans auparavant, quand son futur ex-mari (nicolas cage, baroque’n’roll) s’apprêtait à lui demander sa main. le scénario surfe sur la mode du voyage dans le temps et du chromo spielbergien, initiée par « retour vers le futur ». sauf que ce passé idéalisé est vu à travers le regard d’une quadragénaire qui renoue avec ses 17 ans. un regard à la fois émerveillé (elle revit sa jeunesse) et désillusionné (elle sait son mariage voué à l’échec), tour à tour ironique et mélancolique, qui donne au film une profondeur insoupçonnée (et inspirera « camille redouble » à noémie lvovsky). ici, comme dans « les Gens de la pluie » et « coup de coeur », coppola se démarque par la sensibilité de son portrait de femme. « Jardins de pierre » (1987) s’ancre, lui, pendant la guerre du Vietnam : près du cimetière d’arlington, où l’on enterre les morts au front, un sergent de l’académie militaire (James caan, épatant) prend sous son aile un jeune Gi fougueux (d. b. sweeney, mauvais comme tout). coppola, qui apprit le décès accidentel de son fils Gio, 22 ans, durant le tournage, dirigea le film en pilotage automatique. d’où la forme impersonnelle de ce drame qui ne l’est guère, contrechamp humaniste à « apocalypse now » : au spectacle du chaos guerrier répondent, ici, le deuil des soldats et la démystification du héros américain. eastwoodien dans l’âme, « Jardins de pierre » aurait pu s’intituler « Mémoires de nos fils ».