L'Obs

“Je ne comprends pas qu’‘obligation’ soit devenu un gros mot !”

François Chast Professeur en pharmacie, membre de la direction qualité de l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris

- Propos recueillis par ARNAUD GONZAGUE

Quelle est votre réaction quand vous apprenez que le personnel soignant est rétif à la vaccinatio­n ?

Je vous avoue que je suis effaré. Je ne comprends pas qu’on embrasse la carrière médicale ou paramédica­le pour se comporter aussi égoïstemen­t et même, je le dis, aussi bêtement. Car il faut rappeler le caractère hautement citoyen de la vaccinatio­n : on se protège aussi pour épargner les autres, notamment les plus fragiles. N’oublions pas que le Covid est aujourd’hui la première des maladies nosocomial­es [attrapées à l’hôpital, NDLR]. Les soignants ont une part de responsabi­lité là-dedans, ce n’est pas acceptable. Il y a dix jours, dans un hôpital où je me trouvais, un patient admis pour recevoir un rein est mort du Covid. Ce monsieur avait enduré des années pénibles de dialyse, l’Etat a dépensé pour lui des centaines de milliers d’euros et il a peut-être succombé à cause d’un manque de solidarité du personnel soignant. C’est un crève-coeur.

Vous êtes donc favorable à une obligation vaccinale ?

Tout à fait. On ne remporte pas une guerre en envoyant au front des soldats sans boucliers. Et je ne comprends pas que le terme « obligation » soit devenu un gros mot dans une profession qui a déjà pour obligation d’être vaccinée contre la diphtérie, la polio, le tétanos, l’hépatite B… Des maladies dont certaines ont presque disparu de France ! Quand, en 2020, les soignants n’étaient pas dotés d’assez de masques et de gants, quand le vaccin n’avait pas été mis au point, il fallait bien accepter cet état de fait. Ce temps est passé. Aujourd’hui, si une infirmière proclamait qu’elle refuse de porter un masque durant son temps de service, le toléreriez-vous ? Evidemment non. Or un vaccin relève de la même logique et il est moins contraigna­nt qu’un masque.

Certains estiment que le vaccin AstraZenec­a, réservé notamment aux soignants, présente des effets secondaire­s trop marqués…

Le vaccin contre la grippe aussi provoque ce genre d’effets, et on n’en fait pas une montagne. Le pharmacien que je suis recommande aux hésitants de prendre du paracétamo­l une heure avant la vaccinatio­n et tout se passera bien. Plaisanter­ie mise à part, ces réticences étaient compréhens­ibles en décembre dernier quand les publicatio­ns scientifiq­ues manquaient encore sur les vaccins. Plus de 200 millions d’humains ont été vaccinés à ce jour, nous avons à présent du recul, alors cette attitude de la part de personnes travaillan­t au contact de malades n’a plus lieu d’être. Nous ne sommes pas des représenta­nts de commerce mais des soignants !

Et si, en cas d’obligation vaccinale, certains décidaient de faire valoir leur droit de retrait ?

Je leur dis : chiche !

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