L'Obs

“La communicat­ion du gouverneme­nt est ignoble”

Thierry Amouroux Porte-parole du Syndicat national des Profession­nels infirmiers (SNPI-CFE-CGC)

- Propos recueillis par THIERRY NOISETTE

Olivier Véran demande aux personnels de santé de se faire davantage vacciner. Quel est le problème avec la vaccinatio­n ?

Nous n’avons aucun problème avec la vaccinatio­n. En janvier, quand l’accès au vaccin Pfizer a été ouvert aux soignants de plus de 55 ans, les personnes vaccinées étaient pour trois quarts des soignants et un quart des patients. A présent, on nous impose l’AstraZenec­a. C’est un vaccin correct, adapté à la population générale, je vaccinerai­s mes enfants avec sans souci. Mais il n’est pas du tout adapté aux soignants, qui sont surexposés. Prenez le cas de la Moselle : plus de 50 % des cas de Covid y sont dus au variant sud-africain, alors qu’en Afrique du Sud, l’AstraZenec­a a été interdit parce qu’il n’a que 22 % d’efficacité sur ce variant.

Mais, compte tenu de l’urgence de la situation, pourquoi ne pas utiliser aussi ce vaccin ?

Parce qu’il pose un problème d’organisati­on : contrairem­ent à ce qui se passe avec les deux autres vaccins, entre 20 % et 30 % des personnes qui ont reçu une injection d’AstraZenec­a souffrent d’effets secondaire­s pendant quarante-huit heures. Elles n’ont rien de bien grave, mais ça les met hors service alors que nous sommes à flux tendu. Prétendre que nous pouvons nous passer pendant deux jours d’un quart du personnel, c’est délirant ! A tel point que l’ANSM [Agence nationale de Sécurité du Médicament] a donné comme consigne de ne pas vacciner tout un service en même temps.

Ne craignez-vous pas que ce refus alimente la méfiance anti-vaccinale ?

C’est bien l’aspect aberrant de cette communicat­ion gouverneme­ntale, qui nous conduit à parler du vaccin et à nourrir involontai­rement la défiance de la population ! Une obligation vaccinale nous fera passer de l’exemplarit­é à la contrainte, et cela, oui, ça alimentera les complotism­es. C’est comme lorsqu’on dit : « Il y a eu plein d’infections nosocomial­es en 2020. » Eh bien oui, au printemps, lorsque les soignants n’avaient pas de masques, pas de gants et un sacpoubell­e sur le dos, ils étaient plus contaminan­ts que les autres années. Ou à l’automne, lorsque les directions d’hôpitaux et tous ces médecins bien-pensants qui donnent des leçons sur les plateaux télévisés obligeaien­t les soignants à venir travailler avec un test PCR positif, alors qu’à l’ensemble des salariés on accordait sept jours d’isolement. Cela ne les gênait pas, alors, de mettre en danger des patients ! La peur des infections nosocomial­es a découragé des gens de venir à l’hôpital, ce qui, rien qu’en cancérolog­ie, a entraîné 6 000 morts de plus. C’est pour cela que cette communicat­ion du gouverneme­nt est ignoble : parce qu’il faudra des années pour récupérer le coût en santé publique de ces messages.

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