Coco & Charlie
DESSINER ENCORE, PAR COCO, LES ARÈNES, 352 P., 28 EUROS.
C’était le 7 janvier 2015. La dessinatrice Coco se sentait « particulièrement bien ». Ce matin-là, elle dépose sa fille à la halte-garderie, achète un paquet de galettes bretonnes, s’engouffre dans le métro, arrive chez son employeur : « Charlie Hebdo ». Après avoir assisté, amusée, à un vif débat entre Tignous et Bernard Maris pendant la conférence de rédaction, elle veut savourer une cigarette devant l’immeuble. Elle n’arrivera pas au rez-de-chaussée. Deux silhouettes cagoulées pointent le canon de leur kalachnikov sur son front et lui enjoignent de les conduire jusqu’aux locaux de l’hebdomadaire. Pétrifiée, elle obéit. Les frères Kouachi laissent derrière eux onze morts. Coco en sort indemne physiquement, éprouvée moralement. Six ans après les faits et alors que le verdict du procès a été rendu, la caricaturiste revient sur le maelström d’émotions (effroi, solitude, culpabilité) qui continue de la submerger, comme si elle luttait contre « la Grande Vague » de Hokusai. « C’est incontrôlable. Ça vient à tout moment m’avaler et me replonger dans cette poignée de minutes qui a bouleversé ma vie », se désole-t-elle. Coco nage dans les abysses de sa psyché, tentant de recoller les morceaux de l’avant-7 janvier (l’ambiance potache chez « Charlie », l’incendie du siège) et de l’après (la mobilisation massive, le « numéro des survivants » conçu dans la douleur). Son livre est en quelque sorte un maillon entre deux albums de rescapés : « Catharsis » de Luz, avec la même sidération, et « la Légèreté » de Catherine Meurisse. Comme cette dernière, Coco veut noyer la terreur dans la beauté, mais le bonheur lui paraît insoutenable. Son seul remède ? Dessiner sans relâche, « pour ne plus penser ». 350 pages de thérapie sincère.