“C’est une vision simpliste, radicale et dangereuse”
Que pensez-vous de la proposition de Guillaume Peltier d’augmenter les salaires de 20 % en supprimant les cotisations sociales?
C’est un coup de com parfaitement démagogique! C’est aussi une vision simpliste, radicale, qui mettrait en danger la logique de toutes les allocations chômage, des retraites, de l’assurance maladie… Le risque, c’est de liquider la protection sociale telle qu’elle est gérée depuis 1945! S’y ajoute cette nouvelle taxe [pour financer le manque à gagner, NDLR], qui paraît pour le moins farfelue. Elle entraînerait, d’une part, un basculement du système vers l’Etat, au détriment des partenaires sociaux qui gèrent actuellement les cotisations sociales, et, d’autre part, vers les banques, puisqu’il s’agit de prélèvements sur des transactions financières. Ce n’est pas du tout anodin, c’est une transformation politique et démocratique dangereuse. Enfin, l’impôt doit être payé selon les capacités contributives, pas selon un critère hors-sol comme le nombre de transactions bancaires…
La mesure pourrait pourtant sembler alléchante pour les salariés…
Peut-être chez certains qui ont oublié les principes de la cotisation sociale. Il faut dire que les salariés sont abreuvés de discours politiques matraquant que les cotisations sont trop lourdes, qu’il s’agit de « charges » rognant les salaires… Au-delà, je m’interroge : faut-il augmenter tous les salaires de 20 %? Je pense pour ma part qu’il serait préférable de baisser les plus gros salaires. Car si tous augmentent, cela veut dire davantage de croissance, davantage de consommation… Un non-sens écologique.
Il ne faudrait donc pas toucher aux cotisations?
Au contraire, je pense qu’il serait pertinent d’augmenter les cotisations patronales ! Cela permettrait de financer la protection sociale et les retraites. Mais cette augmentation ne peut se faire qu’en réorganisant le système productif, qui repose sur un empilement de sous-traitance, car il paraît difficile d’augmenter de la même manière les cotisations d’un grand groupe et celles d’un petit sous-traitant de troisième rang.
Et comment augmenter les salaires?
[Rires.] En les augmentant réellement! Avec un vrai coup de pouce au smic, mais aussi et surtout en engageant des négociations de branches sur le sujet. Car les entreprises avaient globalement, avant le Covid, suffisamment de marges pour augmenter les salaires. L’autre levier consiste à limiter les écarts. Actuellement, ils s’échelonnent de 1 à plus de 100 dans certaines entreprises. Par comparaison, des entreprises de l’économie sociale et solidaire ont un principe limitant l’écart à un rapport de 1 à 5.