Première gorgée
Entre-deux-mers, graves, sauternes… Quelques vignerons bordelais travaillent d’arrache-pied pour remettre ces appellations au goût du jour et nous offrir de bons vins blancs faciles à boire
Quand le bordeaux voit blanc
Si la région bordelaise ne compte que 10 % de cépages blancs plantés sur ses 121000 hectares de vignes, cela ne fut pas toujours le cas. Dans les années 1960, plus de la moitié du territoire était consacrée à ces cépages clairs. Jean-Baptiste Duquesne, fondateur du site de cuisine 750g, originaire de Bordeaux et grand amateur de vin, a réalisé son rêve il y a quelques années après avoir revendu son site, en s’installant dans les Graves avec 25% de parcelles en blancs. Pourtant, avant de venir se fixer ici, le propriétaire du Château Cazebonne le confesse: il ne consommait plus de bordeaux. « Je suis revenu à Bordeaux un peu comme on fait un pari : est-ce que je peux faire ici du vin que j’aime ? » Il décide alors de prendre « les poncifs du vin de Bordeaux à rebrousse-poil ». « Sur les blancs, le cliché, c’est le bordeaux à huîtres: un sauvignon pipi de chat, acidulé, sans couleur… j’ai pris le contre-pied. Je travaille de manière parcellaire : je fais des blancs plus costauds avec plus de matière », raconte-t-il. Le quadragénaire a également monté le groupe Facebook Bordeaux Pirate, rassemblement de vignerons qui n’a pas encore de structure mais une envie commune de tester et de faire entendre de nouvelles voix.
C’est pour mieux valoriser son terroir et aussi mieux gagner sa vie que Fabien Lapeyre, 32 ans, issu de quatre générations de vignerons au coeur de l’Entre-deuxMers, à Saint-Hilaire-du-Bois, a décidé de changer les pratiques familiales. « On a une superficie de 45 hectares, on vend nos vins en vrac à 70-80 % à des négociants. A partir de 2011, j’ai ouvert les yeux sur ce qui se faisait ailleurs, je voulais travailler dans la précision plus que dans le volume », explique-t-il.
Le jeune homme va donc passer en bio, sélectionner les plus belles parcelles pour ses propres vins et remplacer des vignes par de l’orge ou de la féverole pour faire de l’engrais vert. Au chai, il travaille avec des levures indigènes, sur lies et avec peu de soufre à la mise en bouteille. Ces pratiques ne semblent pas révolutionnaires, pourtant elles sont loin des mentalités de la région où les négociants ont poussé les vignerons dans les années 1970-80 à augmenter les rendements avec des vins standardisés dont le prix d’achat au litre est souvent dérisoire.
Fabien est confiant en l’avenir : « La jeune génération s’est ouverte à toute la France grâce aux bars à vin et aux cavistes, notamment, et elle ramène ses connaissances vers ses outils de travail. » Après avoir goûté ses vins, on se dit que le chemin qu’il a choisi est le bon !
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