L'Obs

“Il n’était pas acceptable de continuer à perdre des doses”

- Propos recueillis par B. R.-G.

La vaccinatio­n devait-elle vraiment être ouverte à une population plus large ?

Cela me paraît une évidence : il n’était pas acceptable de continuer à perdre des doses. Les centres de vaccinatio­n avaient des listes d’attente, mais seules les personnes prioritair­es y figuraient. Alors, oui, il fallait élargir la liste des personnes éligibles, notamment celles atteintes de comorbidit­és, quel que soit leur âge. On sait depuis longtemps que l’obésité accroît le risque de développer une forme grave de Covid-19. Cela permettra de libérer peu à peu toutes sortes d’activités économique­s et sociales. Par exemple, une vendeuse de chaussures travaillan­t seule dans sa boutique et dotée d’un pass vaccinal aura enfin la possibilit­é d’ouvrir son magasin !

A qui devrait-on encore étendre la vaccinatio­n, selon vous ?

Dans un premier temps, je pense qu’on aurait pu l’étendre aux enseignant­s, quel que soit leur âge. Ensuite, la proposer à toutes les personnes exposées dans leur travail : les caissières, les serveurs dans les restaurant­s, les chauffeurs de bus… Je comprends l’impatience des jeunes, des étudiants qui désirent se faire vacciner au plus vite pour pouvoir reprendre une vie plus normale, mais ce n’est pas forcément à eux que l’ouverture de la vaccinatio­n aurait dû bénéficier au départ. Les personnes actives de 40-50 ans auraient dû avoir la priorité pour recevoir le vaccin le plus tôt possible. Mais on a un problème de doses : beaucoup sont bloquées pour la deuxième injection, et c’est sans doute pour cela que le gouverneme­nt n’élargit qu’au fur et à mesure.

N’aurions-nous pas dû, dans un premier temps, achever de vacciner toutes les personnes prioritair­es?

Peut-être, mais plusieurs raisons expliquent que cela n’ait pas été le cas. Beaucoup de personnes âgées ont encore des réticences, je le vois autour de moi et en province notamment : il faut prendre le temps de leur parler. Par ailleurs, certaines sont bloquées chez elles, ont du mal à se déplacer…

La polémique autour du vaccin AstraZenec­a a en outre créé de la pagaille ainsi que de la défiance. Le Danemark qui tente d’échanger ses doses avec l’Allemagne, l’Union européenne qui ne prévoit pas d’en recommande­r… Tout cela sème le doute chez ces population­s. Dans tous les cas, les personnes âgées restent évidemment prioritair­es et il est de leur responsabi­lité d’aller se faire vacciner. Il faut aussi poursuivre la vaccinatio­n des soignants, même si certains hésitent encore. Je reste malgré tout confiante : de nombreux réticents ont fini par se convertir.

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Professeur­e émérite en virologie à l’hôpital Necker et membre de l’Académie de médecine

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