“Cela va créer une inégalité et une incohérence”
Ouvrir la vaccination à tous, est-ce une fausse bonne idée ?
Personne ne sait si c’est la meilleure stratégie. Evidemment, si c’était la seule option pour que les doses disponibles ne partent pas à la poubelle, il fallait vacciner toutes les personnes qui se présentaient. Cela relève du bon sens. Mais ouvrir à tout le monde va créer une inégalité et une incohérence puisque des jeunes de 20 ou 30 ans en bonne santé ont a priori moins de risque de développer une forme grave du Covid. Or, ils auront accès au vaccin, tandis que des sujets fragiles n’auront pas encore reçu leur dose.
Est-il encore possible de vacciner l’ensemble des personnes vulnérables ?
Il est un peu tard pour rattraper les publics prioritaires. Dès le début de la campagne, il aurait fallu un maillon entre les médecins de ville et les centres de vaccination. A cause du mode de conservation des vaccins à ARN messager [Pfizer et Moderna, NDLR], qui doivent être stockés dans des super-congélateurs, les collectivités territoriales ont été chargées d’organiser la vaccination. Cela n’a pas favorisé la fluidité des échanges. Les médecins n’ont souvent qu’un rôle de « vaccinateur ». Comme il n’y a pas de coordination, on s’est retrouvé dans une situation où des centres devaient tout à coup ouvrir les vannes pour écouler leurs doses restantes, faute de personnes inscrites.
Comment aurait-il fallu procéder, selon vous ?
Il aurait fallu établir en amont une liste qui recense toutes les personnes vulnérables, à laquelle les médecins généralistes auraient eu accès. Ils auraient ainsi pu les diriger vers les vaccinodromes quand il le fallait. La situation est plus simple avec le vaccin AstraZeneca car il peut être conservé en cabinet et les praticiens contactent directement leurs patients éligibles pour le leur administrer. Mais pour les vaccins à ARN messager, les gens doivent faire la démarche eux-mêmes pour s’inscrire dans les centres de vaccination, sur Doctolib ou par téléphone. Cela rend complexe la prise de rendez-vous et peut décourager les hésitants. Les personnes âgées ont par ailleurs du mal avec ce système et risquent d’échapper à la vaccination.
Le problème se pose d’autant plus qu’avec la défiance qui s’est installée envers l’AstraZeneca, les gens se sont rabattus vers les centres pour avoir du Pfizer ou du Moderna… Il n’y a eu, enfin, aucune communication claire à destination des médecins de ville pour qu’ils transfèrent leurs patients vers les centres. Certains le font spontanément, mais c’est au cas par cas. Cette absence de coordination nuit à l’efficacité de la campagne vaccinale.