Vie et mort d’un Black Panther
JUDAS AND THE BLACK MESSIAH, PAR SHAKA KING. BIOPIC AMÉRICAIN, AVEC DANIEL KALUUYA, LAKEITH STANFIELD, JESSE PIEMONS (2H06). DISPONIBLE EN SVOD SUR MYCANAL ET À L’ACHAT EN VOD.
« Un badge de la police fait plus peur qu’un flingue. Un flingue, n’importe quel négro peut en trouver un. Avec un badge, t’as une armée derrière toi. » la réplique passe l’air de rien ; elle a valeur de constat, terrible car intemporel. Du moins aux etats-unis, où, dans le sillage du mouvement Black lives matter et un an après le meurtre de george floyd, qui a remis le racisme et l’oppression policière au centre des débats, les films sur le sort de la communauté noire font florès. « Judas and the Black messiah » retrace un épisode méconnu de l’histoire des Black panthers, datant de la fin des années 1960 : l’infiltration au sein du groupuscule de chicago, dirigé par le charismatique fred hampton, de William o’neal, petit voleur enrôlé comme indic par le fBi pour échapper à la prison. hampton et o’neal incarnent deux faces de l’identité afro-américaine, de l’« expérience vécue du Noir » chère à frantz fanon. le combat et la fierté du côté de hampton (impeccable Daniel kaluuya, couronné de l’oscar du meilleur second rôle – photo, à l’arrière-plan), orateur hors pair, plus coco que va-t-en-guerre, partisan armé d’une révolution non violente ayant oeuvré à l’association entre les minorités de toutes obédiences et couleurs de peau au sein de sa rainbow coalition. la soumission et la culpabilité du côté d’o’neal (lakeith Stanfield, photo, au centre), traître à la cause, pris en otage par les services de renseignement et leur épouvantable programme cointelpro. a l’arrivée, deux victimes: o’neal se suicidera quelques années après le meurtre de hampton, criblé de balles lors d’un raid punitif de la police. le film de Shaka king s’inscrit dans la tradition du cinéma engagé mais selon les canons actuels de la série (d’où vient le réalisateur), tire parti d’un matériau riche et de l’interprétation plus que de la mise en scène, impersonnelle. il s’ajoute à quelques autres titres récents – « les Sept de chicago » (sur netflix), « Seberg » (sur amazon prime), « Billie holiday. une affaire d’etat » (en salles le 2 juin) – qui figurent J. edgar hoover en miroir de la menace représentée par trump. ultra-réactionnaire, raciste, parano, le patron du fBi durant quarante-huit ans qualifiait de terroristes les mouvements contestataires, tout en usant de méthodes mafieuses pour les anéantir et maintenir son amérique, blanche et chrétienne, à flot. par chance, trump croyait moins aux institutions de son pays qu’aux dictateurs étrangers.