L’Observatrice
C’est l’histoire surprenante de Santa Maria Novella, une marque florentine de parfums et produits cosmétiques que l’on croyait née en 1612
Avant, voyager, c’était aussi aller s’acheter dans une ville étrangère ce que l’on ne trouvait pas en France. Ainsi, quand tu te rendais à Florence, bien sûr c’était pour l’histoire, l’architecture, la vue sur l’Arno, la galerie des O ces, les petites nappes blanches aux terrasses des cafés, mais c’était aussi pour l’O cina Profumo-Farmaceutica Santa Maria Novella. La marque de parfums pharmaceutiques ne faisait rien comme les autres. Tandis que le monde entier s’employait à moderniser son packaging, Santa Maria Novella gardait la patine du passé, ses étagères en bois, la boutique dans une ancienne sacristie, et surtout ces odeurs désuètes, d’un infini ra nement…
Aujourd’hui, tout le monde imite ces manières, mais Santa Maria Novella n’est pas en reste, ses produits sont diffusés (avec une discrète élégance) dans de grandes capitales. Et il y a l’e-shop: on peut mettre les choses dans son panier sans l’avoir au bras. La modernité a fini par venir envelopper Santa Maria Novella. Mais rien ne remplace l’expérience et, quand on pourra de nouveau voyager plus simplement, je vous conseille d’entrer, à Florence ou à Rome, dans cet endroit où le temps est suspendu. C’est là que personnellement j’achète des « grenades » (Melograno), boules de terre cuite parfumées qui embaument ma maison et, je ne sais comment dire, l’anoblissent. Que cela sent-il, au fond ? La demeure. Cette idée folle du propre des maisons italiennes. Je demande aux gens qui vont en Italie de me rapporter une « grenade ».
Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que c’est une étonnante histoire de confinement. Pendant ce temps d’immobilisme, Santa Maria Novella, inscrite au registre du commerce en 1612, vit une révolution : les propriétaires tombent sur des archives datant de 1221. Il y a des gens qui se flattent de grappiller des années sur l’avenir, c’est autrement plus chic de les grappiller sur le passé. Je n’ose imaginer la stupeur de la personne qui a vu un jour la mention de l’o cine 400 ans avant sa création… Bien sûr, ce n’était pas encore une marque, c’était un couvent où l’on savait la chimie des plantes. Le premier gel antibactérien a peut-être bien été fabriqué là, même si la science a fait progresser les choses. Dans une époque si lointaine et sans grands moyens de communication, les cours royales du monde entier savaient que ces Italiens de Florence étaient des surdoués. Comment 400 ans d’histoire vous échappent-ils ? Parce que ces gens n’avaient pas à se construire un ADN, ils en avaient un. Récemment, ils ont retrouvé toutes les recettes de jadis. Et, folie de ça, elles fonctionnent encore.
La plupart des marques naissent d’un homme ou d’une femme, voilà pourquoi on ne peut pas trop jouer sur leur origine. Mais quand cela vient d’une congrégation, d’une communauté ritualisée et érudite, l’individu ne compte plus. Il n’y a plus que le parfum divin qui fut inventé un jour. Sans doute par Amour.
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