L'Obs

Maire courage

LES PROMESSES, PAR THOMAS KRUITHOF. DRAME FRANÇAIS, AVEC ISABELLE HUPPERT, REDA KATEB, NAIDRA AYADI, JEAN-PAUL BORDES (1H38).

- FRANÇOIS FORESTIER

KERVERN, DELÉPINE ET LES “COLLE GIRLS” « En même temps », de Gustave Kervern et Benoît Delépine, dont le tournage s’est achevé le 16 décembre, débute à la veille d’un vote pour la constructi­on d’un parc de loisirs à la place d’une forêt. Alors qu’un maire de droite veut piéger son confrère écolo, les « Colle girls », groupe de militantes féministes, vont les mettre face à leurs contradict­ions. Avec Jonathan Cohen, Vincent Macaigne, India Hair, Jehnny Beth et Yolande Moreau.

Elle court, elle court, la banlieue. Clémence, maire de cette ville dite nouvelle au nord de Paris, court avec elle. D’officine administra­tive en cabinet ministérie­l, elle cherche, avant tout, à sauver un quartier en déshérence : robinets qui fuient, marchands de sommeil, ascenseurs rouillés… Quel marathon ! Le boulot de maire, c’est dingue : il faut jongler à dix boules avec seulement deux mains. Et, surtout, ne pas oublier les promesses électorale­s, qui ne coûtent rien mais qui doivent être respectées – selon Clémence. C’est toute la force de ce film, à la fois autopsie d’un job de soutier de la République et remise en valeur d’une fonction politique largement sous-évaluée. Dans « les Promesses », Thomas Kruithof lâche une maire (Isabelle Huppert, photo) et son adjoint (Reda Kateb) dans la fosse aux lions : pour obtenir les subsides de l’Etat, il faut se battre, discuter, convaincre les habitants d’attendre, persuader les hauts fonctionna­ires de l’urgence, et, oui, désobéir au Parti (socialiste?) pour refuser un maroquin ministérie­l. Le sujet du film, donc : le courage, au ras du macadam. Le cinéma politique, en général, se contente de suivre la trajectoir­e d’un futur roi, président, dictateur, émir, raïs, tsar (cochez la bonne case), et les saloperies (toujours distrayant­es) des enfoirés qui inventent des chaussetra­pes pour notre plus grand plaisir. On se souvient de Denis Podalydès dans « la Conquête » (2011), de Henry Fonda dans « Tempête à Washington » (1962) ou de Toni Servillo dans « Il Divo » (2008). Toujours les sommets de la pyramide… Dans « les Promesses », c’est la base de l’édifice qui est filmée. Clémence pense à abandonner la politique, à rentrer chez elle, à revenir sur terre, et puis non, rien à faire, ces femmes harassées, ces hommes usés, ces citoyens cabossés qui vivent dans des HLM en mie de pain réclament un peu de dignité. Au fond, la politique serait, idéalement, la possibilit­é de permettre aux oubliés de redresser la tête. « Les Promesses » est un polar, sauf que le seul crime, ici, serait l’oubli de la chose publique. En période électorale, le film prend une résonance particuliè­re : c’est le bal des faux-culs. Jean Gabin, dans « le Président » (1961), résumait bien : « Entre l’intérêt national et l’abus de confiance, il y a une marge. » Thomas Kruithof, en une heure et demie, nous le rappelle – avec fougue.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France