La guerre d’Ukraine aura-t-elle lieu ?
Vladimir Poutine est-il un stratège hors pair ou un orgueilleux émotif ? Impérialiste ou nationaliste, réactionnaire ou visionnaire ?
A-t-il déjà pris sa décision d’intervenir en Ukraine alors qu’il sait que ses exigences sont inacceptables pour les pays de l’Otan, ou laisse-t-il encore une place pour la diplomatie ? Depuis le regain de tension à la frontière ukrainienne, les analystes dissèquent le caractère du président russe et le long article qu’il a posté, en juillet dernier, sur le site du gouvernement. Il s’intitule « De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens ».
Pourtant nul doute possible : le fait que la Russie ait déployé 100 000 hommes aux frontières de l’Ukraine, de la Biélorussie à la mer Noire, est déjà le signe que le destin de l’Europe est à nouveau à une croisée des chemins. L’annexion de la Crimée et l’autonomisation de deux régions dans le Donbass ukrainien n’ont pas entraîné le grand réagencement géopolitique que Poutine appelait de ses voeux. Le protocole de Minsk est enlisé. Loin d’être affaiblie, l’armée ukrainienne s’est renforcée, et son acquisition de drones turcs Bayraktar menace le très précaire cessez-le-feu de la ligne de séparation entre l’Ukraine et les régions autonomes prorusses. De plus, l’Otan s’est avancée vers la frontière russe, et l’Estonie, qui a rejoint l’alliance militaire en 2004, est désormais à moins de deux heures de voiture de Saint-Pétersbourg.
Il faut dire que si Poutine se décidait à attaquer aujourd’hui, le moment serait bien choisi. Les Etats-Unis ont déclaré qu’ils n’interviendraient pas militairement pour répondre à une agression russe, les Russes se sont déjà organisés économiquement pour faire face aux sanctions occidentales en se tournant vers la Chine et sont donc moins sensibles à ce type de menaces qu’aimeraient le faire croire les Etats-Unis. L’Europe est divisée comme jamais sur l’attitude à adopter vis-à-vis de la Russie. D’autant que, malgré les pressions des Américains, l’Allemagne continue à dépendre pour moitié de la Russie pour son approvisionnement d’énergie. Pire, en fermant ses centrales nucléaires et en installant le gazoduc Nord Stream 2, elle a accru sa dépendance. Donc l’Otan n’entrera pas en guerre pour Kiev et ne sauvera pas l’Ukraine d’un démembrement certain si la Russie décidait d’intervenir. Quant à la politique de dialogue “stratégique” amorcée par Emmanuel Macron avec Vladimir Poutine au fort de Brégançon en août 2019, elle s’est soldée par un échec. Considérée comme une amorce de réintégration de la Russie dans l’ordre mondial occidental, la diplomatie française de la main tendue n’a rien donné. Et l’on a reproché au président français sa naïveté envers le Kremlin.
Comment Poutine peut-il intervenir ? Contrairement à l’Ukraine, condamnée aux perpétuelles échauffourées le long de la ligne de séparation, il a de multiples options : un bombardement aérien pour neutraliser les armes ukrainiennes sans incursion territoriale ; un Blitzkrieg jusqu’à Kiev depuis la Biélorussie, qui pourrait avoir lieu entre le 10 et le 20 février au moment d’exercices militaires communs ; l’annexion des régions séparatistes de Donetsk et Lougansk ; et même le déploiement de l’infanterie navale et des blindés amphibies amassés récemment à la frontière, pour intervenir dans le sud de l’Ukraine, depuis Marioupol jusqu’à Odessa, voire jusqu’à la frontière roumaine.
Oui, quelle que soit la forme qu’elle prendra, la guerre d’Ukraine aura lieu. Elle a déjà commencé.
La politique de dialogue “stratégique” amorcée par le président français est un échec.