L'Obs

“Il faut réduire la ségrégatio­n sociale entre lycées”

CLAIRE MAZERON Directrice académique des services de l’Education nationale à l’Académie de Paris

- Propos recueillis par A. G.

Jusqu’ici, Henri-IV et Louis-le-Grand avaient « échappé » à Affelnet, créé en 2008. Pourquoi ce régime d’exception ?

Ils ont effectivem­ent obtenu un statut dérogatoir­e sans qu’il soit possible, presque quinze ans plus tard, d’en donner une raison objective. Bien que proposant une seconde générale « ordinaire », ils ont continué à effectuer un recrutemen­t sur dossier, sans qu’aucun critère de choix ne soit explicité auprès des familles. Cela n’est pas réglementa­ire, car toute décision doit être justifiée en cas de recours. Henri-IV et Louis-le-Grand doivent contribuer à la réduction de la ségrégatio­n sociale entre lycées, mais cette évolution se fera progressiv­ement, sans déstabilis­er ni les communauté­s éducatives ni les familles.

L’origine sociale des collégiens, mesurée par l’indice de position sociale (IPS), aura-t-elle un poids si important dans les futures admissions ?

Ce « bonus IPS » « pèse » 600 ou 1 200 points [selon les difficulté­s sociocultu­relles des collèges, NDLR]. Son poids reste donc très relatif comparé aux bonus liés au secteur – 32 640 points pour le secteur 1, prioritair­e – ou liés aux résultats scolaires – 9 600 points au maximum. De plus, à Henri-IV et Louisle-Grand, l’utilisatio­n de ce bonus IPS sera adaptée à la transition souhaitée [car plusieurs scénarios de réforme sont à l’étude].

Ces deux lycées défendent leur recrutemen­t particulie­r d’élèves sur tout le territoire, y compris en province. Va-t-il disparaîtr­e ?

Ce recrutemen­t « national » en seconde est un mythe. Les élèves non parisiens [26 % des secondes à Henri-IV et 38 % à Louisle-Grand] proviennen­t uniquement de la proche et moyenne banlieue, car les proviseurs ne les choisissai­ent pas au-delà d’un temps de trajet raisonnabl­e. Il est prévu de maintenir ce recrutemen­t extérieur, dans des proportion­s équivalent­es.

On entend aussi des craintes que ces lycées voient leur niveau baisser…

Les simulation­s réalisées avec le barème Affelnet montrent que les nouvelles dispositio­ns permettent d’obtenir exactement la même moyenne à l’entrée en seconde qu’en 2020. Pourquoi ? Parce que le nombre de demandes est considérab­le et que les résultats scolaires restent le critère déterminan­t de recrutemen­t. Par ailleurs, l’« hyperéliti­sme » défendu par cette affirmatio­n ne va pas de soi : est-ce bien dans l’esprit républicai­n, alors que cela s’appuie sur une base sociale extrêmemen­t restreinte ? L’idée d’un possible « exode » des élèves des familles les plus fortunées vers le secteur privé est une menace systématiq­uement brandie. Mais aucune augmentati­on des effectifs n’a été constatée dans le privé après les réformes de ces dernières années.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France