“Il y a un risque pour l’excellence de ces établissements”
EMMANUEL GAROT Président de la Fédération des Parents d’Elèves de l’Enseignement public (PEEP) de Paris
Comment réagissez-vous au fait que Henri-IV et Louis-le-Grand ouvrent désormais leurs portes à des Parisiens provenant de collèges plus modestes ?
Je m’efforce de rester nuancé. Il est clair, par exemple, que le lycée Henri-IV avait tendance à recruter en seconde une trop grande proportion d’élèves issus du collège Henri-IV [donc résidant dans les quartiers parisiens les plus favorisés], et qu’il convenait de corriger une anomalie. De plus, je ne crois pas que, comme certains le prédisent, le niveau de Henri-IV va « s’effondrer » en raison de cette ouverture sociale. Maintenant, j’entends et je comprends les inquiétudes des parents et de la communauté enseignante.
En quoi sont-elles légitimes ?
Comprenez que l’un des scénarios envisagés par le ministère est de contraindre Henri-IV et Louis-le-Grand à « décalquer » la démographie des collèges de Paris dans leur recrutement d’élèves de seconde. Or, si l’on considère leur indice de position sociale (IPS), 40 % de ces collèges sont des établissements dits « à IPS à 1 200 points » [donc défavorisés sur le plan socioculturel], 35 % sont à « IPS à 600 points » [intermédiaires], quand seulement 25 % sont à « IPS à zéro point » [très favorisés]. Si l’on reproduit fidèlement la démographie, Henri-IV et Louisle-Grand se retrouveront avec une population à 75 % issus d’établissements à IPS moyens ou faibles ! [Le ministère conteste ces chiffres, soulignant que, dans ce scénario, la proportion d’élèves favorisés serait de 40 %.] Je suis d’accord pour accroître la mixité sociale, mais il est inacceptable de bouleverser à ce point les modes de recrutement et la pédagogie qui va avec.
En même temps, les élèves issus de collèges peu favorisés seront tous recrutés sur leurs excellentes notes. Il n’y aura jamais de cancres à Henri-IV !
Sur le papier, vous avez raison. Mais vous oubliez qu’il existe un différentiel de notation entre les collèges. Un 16 donné à un élève dans certains établissements vaut peut-être un 12 au collège Henri-IV. Car on sait bien que les enseignants ne notent pas – et je le regrette – selon un barème national homogène, mais en comparant les élèves les uns aux autres. Que se passera-t-il quand, en seconde, on mêlera trop brutalement des élèves aux niveaux plus hétérogènes qu’on ne l’imagine ? Ce pourrait être d’abord d’une grande violence pour certains élèves provenant des collèges les plus modestes qui pourraient voir leurs notes s’effondrer. Ensuite, ne nous le cachons pas, le risque existe de devoir payer cette hétérogénéité au prix de l’excellence qui a fait la réputation de Louisle-Grand et d’Henri-IV, lesquels forment indiscutablement une partie des élites de notre pays. Ce n’est honnête ni vis-à-vis des parents ni vis-à-vis des élèves.