ENSEMBLE MALGRÉ TOUT
1983. A la veille de la Marche des beurs, des experts proposent de distinguer la “xénophobie” (respectable) du racisme. Jean Daniel dénonce ce “discours à la mode”
La société française, qui ne s’est pas sentie menacée par l’éruption des nationalismes régionaux, se trouverait en danger du fait de la présence d’une forte communauté arabo-islamique. […] Son particularisme serait si intensément vécu qu’il constituerait une agression à l’égard de la nation hospitalière. […] Si nous en restions aux faits? La « xénophobie » ne s’y manifeste vraiment que depuis l’apparition du chômage et l’intensification du sentiment d’insécurité avec l’urbanisme anarchique. Ce rejet de l’autre s’observe dans les quartiers populaires et déshérités. Il n’y a aucune espèce d’affrontement « culturel » entre les grands bourgeois libanais et leurs voisins français de nos banlieues résidentielles. La recherche du bouc émissaire dans les quartiers pauvres devient parfois la seule issue épique à un désespoir quotidien. […] La société française n’est en rien menacée, dans aucune de ses finalités nationales, aucune de ses structures communautaires, par la présence à son niveau actuel de la collectivité maghrébine. […] La France vieillit et elle a besoin, précisément pour survivre dans son génie spécifique, d’une nouvelle jeunesse : or elle est là, présente, prête à se fondre et, en tout cas, à participer. […] La France a besoin que cette communauté devienne française. Ce devrait être le lot d’une grande politique volontariste, entraînant un consensus national. […] Je parie davantage sur une nation française qui trouve un enrichissement à devenir pluricommunautaire que sur une nation, comme il y en a tant dans le tiers-monde, qui, en s’inventant une identité mutilante, provoque le départ de ces minorités. « Le Nouvel Observateur » n° 991 du 4 novembre 1983.