François de Singly “La plupart des grands acquis individualistes sont des acquis collectifs”
Le sociologue analyse la progression d’une notion très décriée à gauche… et pourtant au coeur de beaucoup de ses combats
Comment définir l’individualisme ?
Si je donne ma propre définition, c’est l’idée que chaque individu devrait devenir maître de lui-même. L’autonomie étant la notion centrale. Et ce pouvoir sur soi est quelque chose qui va être appuyé par des politiques et des institutions.
Tout le monde s’accorde sur cette définition ?
Non, à l’intérieur de la sociologie, il y a des courants différents. Durkheim dit que l’individualisme est une sorte de progrès, « la religion du temps moderne », et en même temps, ça le rend malade que la société s’individualise. Ce qu’on peut dire c’est qu’il y a quatre définitions historiques. La première, celle de Montaigne : tout le monde a une personnalité à soi, une « arrière-boutique », et on met en avant ce qui nous plaît. Alors qu’il est maire de Bordeaux, il parle parfois de lui à la troisième personne du singulier : « Le maire et Montaigne sommes deux d’une séparation bien claire. » Deuxième définition : nous faisons partie de la commune humanité et cela nous définit en tant qu’individu. Troisième forme : un individualisme
Psycho, santé, moeurs, carrière : l’individualisme s’est imposé, surtout dans les années 1980, à la fois comme valeur et comme mode d’organisation sociale. Avec sa face sombre bien connue (le repli sur soi, l’égoïsme, la compétition, le narcissisme…), mais aussi une face plus lumineuse : l’émancipation de son milieu ou de son travail, le refus des déterminismes, la volonté d’exister par soi-même et le respect de l’identité de l’autre.