UN YOGA “BIEN EN CHAIR”
1972. Liliane Siegel proposait un yoga “dépouillé de tout fatras mythologique”
Disciple depuis vingt-trois ans, professeur depuis seize, Liliane Siegel n’a rien du yogi ascétique et désincarné. D’aplomb dans sa tête et dans son corps – fût-elle sur la tête −, aussi à l’aise en posture du cobra qu’en marche arrière dans un parking, elle a abandonné les planches à clous, les bâtonnets d’encens et les toges safran aux faiseurs de miracles. Depuis son retour sur terre, elle a balayé de sa salle de yoga – et de son esprit – toute mystique orientaliste, toute aberration fakirique, tout vocabulaire ésotérique, toute vision onirique. […] Son corps bien en main, et la tête froide, elle se garde de toute envolée métaphysique. Son yoga est matérialiste, bien en chair et en bonne santé. […] La psychanalyse seraitelle la fille cadette du yoga ? Un débouché spiritualiste à l’occidentale ? « Nombreux sont les points de convergence des deux disciplines, note un disciple analyste. Comme le yoga, la psychanalyse répond à une pulsion de savoir dirigée sur soi-même, à un désir originel de se connaître qui, malgré toutes nos baignades culturelles, est loin d’être satisfait. Comme lui, elle se frotte au spiritualisme en passant par le corps. En psychanalyse, les objets à découvrir à l’intérieur de soi sont “sus”: c’est l’inconscient qu’il s’agit de faire émerger. Dans le yoga aussi, la vérité est intérieure et connue. C’est une manière d’être naturelle, familière à la petite enfance et perdue depuis, qu’on s’efforce de retrouver. Dans les deux disciplines, il y a désinvestissement du monde extérieur et réinvestissement du monde intérieur. » L’analyste ajoute : « En yoga comme en analyse, il y a intériorisation, nombrilisation, amour de soi, narcissisme. » […] Pas de rampes de lancement vers le septième ciel, pas de passeport pour la contemplation chez Liliane Siegel, cette laïque du yoga. Parfois, pour qui le désire, une porte entrouverte sur le divan et, toujours, une méthode pour se réconcilier avec ce faux ennemi : notre corps. ■
« Le Nouvel Observateur » n° 380 du lundi 21 février 1972.