UNE FEMME VAUT MOINS QU’UN HOMME
1966. Après avoir relaté le conflit de 3000 ouvrières belges lassées d’être moins payées, Michel Bosquet, alias André Gorz, étudie la situation en France
[…] Cela vaut évidemment pour la France tout aussi bien, où 13 % des ouvrières seulement ont une qualification, contre 41 % des ouvriers; où, sur 1000 techniciens, il n’y a que 28 femmes (dix fois moins qu’il ne devrait y en avoir, si les sexes étaient égaux). A quoi les patrons […] répondent encore : si les femmes sont reléguées aux postes les plus subalternes, c’est qu’elles n’ont pas la même formation que les hommes. Voilà qui met le comble à l’injustice : d’abord on refoule les filles des écoles professionnelles et techniques où il n’y a déjà pas assez de places pour les garçons qui ont passé l’examen d’entrée; ensuite on reproche aux femmes de ne pas avoir de formation. […] Dans toutes les professions, à tous les échelons, à tous les âges (sauf chez les fonctionnaires), le patronat pénalise les femmes. Pour les ouvrières, il invoque […] « certaines caractéristiques du travail féminin » telles que « le congé maternité ». En somme, il prélève sur l’ensemble des travailleuses une sorte d’impôt privé qui le rembourse, lui, patronat, au décuple ou au centuple, du congé maternité que la loi française met pourtant déjà, indirectement, à la charge de l’ensemble des salariés.[…] […] Pourquoi acceptent-elles ce travail au rabais ? La réponse, c’est qu’elles ne l’acceptent pas : 90 % des femmes travaillent par nécessité absolue, pour survivre ou permettre à leur famille de vivre. Elles n’acceptent pas, elles sont contraintes. Jusqu’au jour où elles se mettent en grève. ■
« Le Nouvel Observateur » n° 73 du 6 avril 1966.