“DES BOMBES EN POLYNÉSIE”
Renaud Meltz et Alexis Vrignon
Vendémiaire, 720 p., 28 euros
Le 2 juillet 1966, tout foire. L’explosion est plus puissante que prévu, le champignon n’a pas la forme escomptée et les vents et la pluie le rabattent vers les Gambier, où vivent plusieurs centaines de personnes. Sur les bateaux, ça bipe de partout. Malgré les alertes, les militaires et le gouvernement français minimisent les conséquences sanitaires des retombées radioactives. C’était Aldébaran. Le premier essai nucléaire français en Polynésie. Il y en aura 192 autres, échelonnés sur une période de trente ans. Certains seront tout aussi catastrophiques : en 1974, un autre nuage radioactif s’est dirigé vers Tahiti. Répondant à une commande du gouvernement polynésien, un collectif d’historiens s’est efforcé d’écrire l’histoire du centre d’expérimentation du Pacifique (CEP), voulu par de Gaulle pour acquérir rapidement une force de dissuasion. Ils ont eu accès à des archives jusque-là gelées (après les révélations, en 1998, de notre camarade Vincent Jauvert) et ont rencontré de nombreux témoins. Que deviennent ces atolls autrefois isolés lorsqu’ils se voient doter d’aéroports et d’infrastructures bientôt utilisés pour le tourisme ? Frotté de regards historiographiques nouveaux, cet ouvrage évite de décrire les Polynésiens comme des victimes passives, et n’oublie pas de raconter les transformations environnementales, telle la fragilisation de Moruroa par des essais sous-marins qui menacent sa structure corallienne. Passionnant.