Lindbergh tombe de haut
LE MYSTÈRE LINDBERGH. UN AVIATEUR DANS LA TOURMENTE, PAR BENOÎT HEIMERMANN, STOCK, 220 P., 20,50 EUROS.
Mais, bon sang, qui était Charles Lindbergh, dont les multiples avatars ont traversé toute l’histoire du xxe siècle? Beau, séduisant, adulé, il a été une star de première grandeur, dans l’entre-deux-guerres, et a tout fait, semble-t-il, pour abîmer son image d’ange du ciel. Dans la superbe biographie que lui consacre Benoît Heimermann (photo), on découvre les aspects cachés du personnage. Il a été porté en triomphe à son arrivée au Bourget en 1927, certes, mais il a aussi été, tour à tour, sympathisant nazi, combattant dans la guerre du Pacifique, adepte des théories eugénistes d’Alexis Carrel, et, enfin, un sacré jongleur, manageant trois maîtresses à la fois et une ribambelle d’enfants.
Lindbergh, héros déifié ? Lindbergh, antihéros fracassé.
Benoît Heimermann, au cours d’une enquête incroyable, part de l’installation momentanée de Lindbergh en Bretagne, pour fuir les paparazzis qui le suivent, avec sa femme, depuis la tragédie et la mort de son fils, kidnappé par un homme qui sera exécuté (mais dont la culpabilité reste douteuse). En France, Lindbergh se lie d’amitié avec Carrel, chantre puant de la pureté de la race. Puis il voyage en Allemagne, pactise avec le diable (Göring le décore) et, en 1941, adhère au mouvement America First, en affirmant qu’« il faut dresser le mur occidental de race et d’armes, empêcher l’infiltration de sang inférieur ». Après la guerre, Lindbergh se fera plus discret, ayant visité les camps de concentration… Et deviendra écologiste en Afrique, pour défendre les singes hurleurs du Congo. Avant de mourir avec une réputation nettement ternie, Lindbergh aura vécu quelques années de plaisirs charnels en organisant avec précision ses adultères avec des Allemandes appétissantes. Comment un homme ayant accompli le plus bel exploit du siècle a-t-il pu glisser dans la fange idéologique la plus nauséabonde? Et que reste-t-il de son mythe (colossal, dans les années 1930), près d’un siècle après son envol ? Benoît Heimermann, d’une plume alerte non dénuée d’ironie, explique, analyse, redresse. Il redonne du Technicolor à la biographie d’un héros qui a viré au brun.