Impolie sur WhatsApp
Il y a peu j’ai pris une décision pulsionnelle d’apparence anodine. J’ai supprimé les deux petits zigouigouis bleus de WhatsApp. Cette confirmation de lecture de nos messages. Ce n’est rien en apparence, ce gris qui devient bleu quand on lit un message, mais moi, qui ai toujours peur d’être impolie, ça m’obligeait beaucoup trop. L’idée ne m’est pas venue seule. J’ai été inspirée pour ce grand choix, (que dis-je ? ce changement de vie épique et politique) par des femmes inspirantes. Mon amie Nolwenn qui dit : « Ça permet de sortir du totalitarisme de la réponse immédiate parce que cette fonction “vu”, ça met la personne en face de toi. C’est comme si tu parlais à quelqu’un et que tu ne répondais pas. » Elle a raison. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’expression « laisser en vu » existe dans la génération Z. C’est l’un des pires a ronts ! Voir le message d’une personne et donc… « la laisser en vu ». Imaginez les dégâts en contexte amoureux ! Ce bleu ne fait qu’empirer la malédiction de l’absence que décrivait déjà Roland Barthes en 1977 dans ses « Fragments d’un discours amoureux » : « Absence. Tout épisode de langage qui met en scène l’absence de l’objet aimé – quelles qu’en soient la cause et la durée – et tend à transformer cette absence en épreuve d’abandon. »
Je ressens pour ma part déjà une satisfaction dans ce gris. Il est mon espoir de me récupérer. D’avoir la paix enfin. Mais comme me le signale mon amie Clara, une autre femme inspirante, c’est probablement illusoire : « Le problème, c’est que même en désactivant ça, le totalitarisme persiste, à cause du “en ligne” que tu ne peux pas désactiver. » Elle a raison aussi ! En fait, l’autre voit qu’on est là. « Ce “en ligne” vient tout foutre en l’air, et nous voilà reparties dans une injonction à la réponse rapide », se désole-t-elle. Damn, faudraitil donc que j’apprenne à devenir impolie pour me respecter ? OK, c’est parti. Je vais « laisser en vu » à partir d’aujourd’hui.