Le “tumulus d’Ivry”
NOM Tumulus 44A-16, dit « tumulus d’Ivry ». 48° COORDONNÉES 81’ 68’’ N, 2° 39’ 19” E.
Découvert en 2331 par un paysan des steppes européennes nommé Mouk-Mouk, le « tumulus d’Ivry » a livré aux historiens des trésors d’informations à propos de la peuplade la plus mystérieuse de l’Europe pré-atomique : les Socialistes.
Le site est nommé d’après le toponyme « Ivry », par lequel les Socialistes semblaient désigner le lieu où ils vivaient. Sous un monticule sédimenteux d’une dizaine de mètres de haut ont été découvertes les fondations d’une construction datant du xxe siècle, que les Socialistes nommaient « le siège ». Les fouilles réalisées par l’équipe du Pr Wang Miao, archéologue à l’université de Shanghai, ont permis la mise au jour de nombreux artefacts attestant de la présence des Socialistes tout au long du xxie siècle – notamment de nombreux pictogrammes ésotériques représentant des roses rouges, typiques de l’art primitif socialiste.
On comprend encore mal qui étaient les Socialistes. Ils semblaient n’avoir aucune fonction précise dans la société de leur temps. Etaient-ils une ethnie? Une congrégation religieuse ou philosophique, vivant à l’écart du monde ? Combien étaientils? Pourquoi étaient-ils si haïs par leurs contemporains? Bien des mystères demeurent, mais la science archéologique est désormais en mesure de répondre à quelques-unes de ces questions.
Par ses dimensions modestes, le tumulus d’Ivry indique que les Socialistes étaient peu nombreux – quelques milliers tout au plus. Certains fragments documentaires retrouvés sur le site font référence à un passé glorieux, très certainement mythologique, où les Socialistes auraient dominé un très vaste territoire, depuis un palais somptueux nommé « Solférino » – sorte d’équivalent socialiste du Valhalla des Vikings. Selon cette légende, un chef de clan nommé « Hollande », qui aurait régné sur toute une partie de la péninsule ouest-européenne, aurait par son incompétence précipité la chute du « socialisme » – mot difficilement définissable, qui semble désigner le substrat spirituel de la tribu – et condamné les Socialistes à des siècles de disgrâce.
A quoi les Socialistes consacraient-ils leur temps ? C’est peutêtre la question qui nous conduit le plus directement au coeur de l’énigme. Un étrange codex, retrouvé dans les profondeurs du tumulus d’Ivry, dissipe le mystère autant qu’il l’épaissit. On le nomme le « Codex Faure » : malheureusement lacunaire, il rassemble quelques homélies, ou sermons, d’un certain Olivier Faure, dont on peut penser qu’il a été chef de clan au début du xxie siècle.
Il ressort de ce codex que les Socialistes, entre eux, dans la solitude du cloître d’Ivry, délivraient au cours de rituels occultes, interdits aux non-initiés, des opinions sibyllines sur les grandes questions politiques de leur temps. Le monde extérieur ne semblait pas avoir connaissance de l’existence de ces cérémonies. Les Socialistes organisaient aussi, toutes les deux ou trois années solaires, des sabbats déroutants, nommés « congrès », sortes de simulacres au cours desquels des « motions » aux contenus identiques faisaient mine de s’affronter. La véritable signification de ces rites est encore obscure.
De nombreuses questions restent sans réponse. Qui étaient ces « élus locaux » dont le « Codex Faure » parle tant, et avec tant de respect ? Des créatures surnaturelles ? Une caste de prêtres, semblable aux brahmanes de l’hindouisme ? Comment les Socialistes ont-ils survécu à travers les époques, sans argent, sans ressources, sans alliés ?
Et à quand remonte leur extinction définitive ?