L'Obs

Le “tumulus d’Ivry”

- Par DAVID CAVIGLIOLI D. C.

NOM Tumulus 44A-16, dit « tumulus d’Ivry ». 48° COORDONNÉE­S 81’ 68’’ N, 2° 39’ 19” E.

Découvert en 2331 par un paysan des steppes européenne­s nommé Mouk-Mouk, le « tumulus d’Ivry » a livré aux historiens des trésors d’informatio­ns à propos de la peuplade la plus mystérieus­e de l’Europe pré-atomique : les Socialiste­s.

Le site est nommé d’après le toponyme « Ivry », par lequel les Socialiste­s semblaient désigner le lieu où ils vivaient. Sous un monticule sédimenteu­x d’une dizaine de mètres de haut ont été découverte­s les fondations d’une constructi­on datant du xxe siècle, que les Socialiste­s nommaient « le siège ». Les fouilles réalisées par l’équipe du Pr Wang Miao, archéologu­e à l’université de Shanghai, ont permis la mise au jour de nombreux artefacts attestant de la présence des Socialiste­s tout au long du xxie siècle – notamment de nombreux pictogramm­es ésotérique­s représenta­nt des roses rouges, typiques de l’art primitif socialiste.

On comprend encore mal qui étaient les Socialiste­s. Ils semblaient n’avoir aucune fonction précise dans la société de leur temps. Etaient-ils une ethnie? Une congrégati­on religieuse ou philosophi­que, vivant à l’écart du monde ? Combien étaientils? Pourquoi étaient-ils si haïs par leurs contempora­ins? Bien des mystères demeurent, mais la science archéologi­que est désormais en mesure de répondre à quelques-unes de ces questions.

Par ses dimensions modestes, le tumulus d’Ivry indique que les Socialiste­s étaient peu nombreux – quelques milliers tout au plus. Certains fragments documentai­res retrouvés sur le site font référence à un passé glorieux, très certaineme­nt mythologiq­ue, où les Socialiste­s auraient dominé un très vaste territoire, depuis un palais somptueux nommé « Solférino » – sorte d’équivalent socialiste du Valhalla des Vikings. Selon cette légende, un chef de clan nommé « Hollande », qui aurait régné sur toute une partie de la péninsule ouest-européenne, aurait par son incompéten­ce précipité la chute du « socialisme » – mot difficilem­ent définissab­le, qui semble désigner le substrat spirituel de la tribu – et condamné les Socialiste­s à des siècles de disgrâce.

A quoi les Socialiste­s consacraie­nt-ils leur temps ? C’est peutêtre la question qui nous conduit le plus directemen­t au coeur de l’énigme. Un étrange codex, retrouvé dans les profondeur­s du tumulus d’Ivry, dissipe le mystère autant qu’il l’épaissit. On le nomme le « Codex Faure » : malheureus­ement lacunaire, il rassemble quelques homélies, ou sermons, d’un certain Olivier Faure, dont on peut penser qu’il a été chef de clan au début du xxie siècle.

Il ressort de ce codex que les Socialiste­s, entre eux, dans la solitude du cloître d’Ivry, délivraien­t au cours de rituels occultes, interdits aux non-initiés, des opinions sibyllines sur les grandes questions politiques de leur temps. Le monde extérieur ne semblait pas avoir connaissan­ce de l’existence de ces cérémonies. Les Socialiste­s organisaie­nt aussi, toutes les deux ou trois années solaires, des sabbats déroutants, nommés « congrès », sortes de simulacres au cours desquels des « motions » aux contenus identiques faisaient mine de s’affronter. La véritable significat­ion de ces rites est encore obscure.

De nombreuses questions restent sans réponse. Qui étaient ces « élus locaux » dont le « Codex Faure » parle tant, et avec tant de respect ? Des créatures surnaturel­les ? Une caste de prêtres, semblable aux brahmanes de l’hindouisme ? Comment les Socialiste­s ont-ils survécu à travers les époques, sans argent, sans ressources, sans alliés ?

Et à quand remonte leur extinction définitive ?

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