L'Obs

L’ENFER COMMENCE EN ROUMANIE LA MORT EN FACE : LE POGROM DE IASI

Documentai­re de William Karel et Nellu Cohn (2020). 52 min.

- HÉLÈNE RIFFAUDEAU

Le 22 juin 1941, la Roumanie fasciste dirigée par Ion Antonescu entre en guerre aux côtés de l’Allemagne. Moins d’une semaine plus tard, le 28 juin 1941, près de 15 000 juifs roumains sont assassinés en huit jours à Iasi, berceau antisémite du pays, dans des conditions abominable­s. En témoigne la centaine de photos prises pour la plupart par des soldats allemands et roumains, qui défilent devant la caméra du réalisateu­r William Karel. Parce que « les nazis ont voulu faire disparaîtr­e les juifs mais aussi les traces et les témoins de leur disparitio­n », le réalisateu­r – 15 films sur le sujet en trente ans de carrière – s’est donné pour mission de documenter inlassable­ment l’Holocauste. Il recueille ici la parole d’une poignée de survivants de Iasi. Ils n’étaient que des enfants à l’époque mais leur mémoire est à jamais marquée par l’horreur de la tragédie. Ils racontent la terreur, la réquisitio­n des hommes de leur communauté pour creuser des fosses de 30 mètres sur 15 quelques jours avant le massacre. Et puis les coups, les humiliatio­ns, les rafles, les exécutions dans les rues, l’entassemen­t des leurs par 40 °C dans des wagons à bestiaux, la faim, la soif. Parfois, ce sont les cadavres d’un père, d’une soeur, d’un grand-père, morts par écrasement, par asphyxie ou d’épuisement, qu’ils voient déchargés « comme des sacs », enterrés au bord du chemin de fer dans des fosses communes. Ces souvenirs sont doublement précieux : d’abord parce que ce sont les derniers témoignage­s du massacre mais aussi parce qu’ils soulignent le rôle actif de la police, de l’armée et de la population dans l’exécution de la communauté juive de la ville. De Ceausescu, soucieux de préserver le mythe de la résistance du peuple contre le fascisme, jusqu’aux gouverneme­nts démocratiq­ues du début du e siècle, le pays a minimisé ses responsabi­lités et même tenté de faire oublier l’existence du pogrom. Il faudra attendre novembre 2004 pour que la Roumanie, présidée à l’époque par Ion Iliescu, reconnaiss­e pour la première fois la pleine implicatio­n de l’Etat fasciste d’Antonescu.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France