L’ENVERS DU DÉCOR BELLE ÎLE, À LA CROISÉE DES TEMPS
Documentaire de Marianne Kerfriden (2022). 52 min.
Avec ses criques, ses sentiers côtiers et ses rochers battus par les vents, Belle-Ile en mer est le paradis des touristes et des randonneurs. A la belle saison, ils sont plus de 150 000 à profiter de son air pur et de ses magnifiques paysages. De quoi constituer une manne dont profiteraient ses quelque 5 000 habitants ? En filmant pendant plus d’un an le quotidien de trois de ces insulaires, Marianne Kerfriden laisse entrevoir une réalité plus contrastée. Première conséquence sociale, la flambée des prix de l’immobilier. « En vingt-six ans, on voit moins de touristes de classes populaires. Belle-Ile devient le petit Saint-Tropez de Bretagne », constate Florence avec amertume. Pour rester vivre sur son île, cette gouvernante d’un grand hôtel, la cinquantaine, est contrainte d’accumuler les petits boulots depuis ses 18 ans et de loger… dans un mobile home ! D’autres ont préféré partir. Thaïs, 16 ans, pleure aujourd’hui « le cocon » de son enfance : sa mère, aide-soignante, a été contrainte de s’installer sur le continent, de même que le grand-père Armand, pêcheur et figure locale. Ce déracinement forcé des résidents permanents laisse un boulevard aux saisonniers : à Belle-Ile, les trois quarts des maisons ne sont occupées que l’été. L’hiver, certains hameaux ressemblent à des sites abandonnés, au grand dam des élus qui tentent de donner la priorité aux insulaires en sanctuarisant les terrains, ou de taxer lourdement les résidences secondaires. Comment inverser la tendance tant que le tourisme reste une des premières ressources de l’île ? Franck, éleveur laitier, se bat, lui, pour son indépendance. Chaque jour, le lait de ses chèvres et de ses vaches devait traverser la mer pour être traité dans une usine Lactalis sur le continent. « Incompréhensible et aberrant ! », s’énerve ce trentenaire. Il a rompu avec le géant de l’agroalimentaire et souhaite créer sur place une coopérative laitière. Consommer local, développer le circuit court et la vente directe, viser l’autosuffisance… Voilà peut-être une piste pour préserver l’identité de la plus grande des îles bretonnes.