LES CHANTIERS PRIORITAIRES
Tout juste réélu, Emmanuel Macron entend reprendre le train des réformes, entravé par la crise du Covid et la guerre en Ukraine. Mais cette fois, promet-il, avec une méthode nouvelle, moins verticale
POUVOIR D’ACHAT GEL ET PRIME
C’était le sujet phare de la campagne, le premier thème du débat de l’entre-deux-tours, et c’est désormais le chantier prioritaire de ce second quinquennat. Le pouvoir d’achat va s’imposer dans les premières réformes d’Emmanuel Macron, avec une loi prévue cet été, étudiée dès les législatives de juin passées. L’ambition est d’abord de prolonger le gel des tarifs du gaz et de l’électricité ainsi que la réduction de 18 centimes sur le prix du carburant « aussi longtemps que la crise sera là ». Puis de soutenir les revenus des actifs, en incitant les patrons à verser jusqu’à 6 000 euros de prime exonérée d’impôts et de charges à tous ceux qui gagnent moins de 4 768 euros brut par mois – l’an dernier, 4 millions de Français ont touché cette « prime Macron », pour un montant moyen de 506 euros.
Si une telle prime demeure soumise au bon vouloir des employeurs, le chef de l’Etat entend l’imposer à toutes les entreprises qui par ailleurs versent des dividendes à leurs actionnaires. « Quand les actionnaires s’enrichissent parce que l’activité est bonne, de manière obligatoire le patron devra verser soit un intéressement ou participation, soit cette prime pouvoir d’achat », a martelé le président-candidat. Rappelons toutefois que prime sans cotisation signifie droits au chômage et à la retraite en moins. Enfin, Emmanuel Macron s’est engagé sur une salve de revalorisations : 34 euros par mois pour le smic au 1er mai, 4,5 % pour les retraites (soit 64 euros de plus pour une pension moyenne), 4,5 % pour les minima sociaux.
RETRAITES QUELLE CONCERTATION ?
Le deuxième quinquennat débutera-t-il par un conflit social ? C’est bien possible tant la retraite à 65 ans ressemble à un chiffon rouge agité sous le nez des syndicats. Pour son second quinquennat, Emmanuel Macron a remballé dans les cartons son projet de retraite par points. Il a mis un coup de barre à droite, d’autant plus qu’il compte aussi supprimer les régimes spéciaux (RATP, EDF, GDF Suez). Sa nouvelle réforme des retraites sera un sprint. Déjà en 2017, le chef de l’Etat avait hésité à faire voter rapidement des mesures d’âge. Cette fois, pas question de laisser la réforme s’enliser : une concertation avec les partenaires sociaux s’ouvrira après les législatives, pour que la réforme puisse entrer en vigueur dès 2023. Les personnes nées en 1961 pourront prendre leur retraite, non pas à partir de 62 ans, mais à 62 ans et 4 mois. Puis l’âge légal sera décalé de
quatre mois par an, jusqu’à atteindre 65 ans en 2031… A moins qu’Emmanuel Macron place finalement le curseur à 64 ans, « s’il y a trop de tensions ».
L’objectif est de réaliser 9 milliards d’euros d’économies par an afin de financer des mesures sociales telles que la hausse de la pension minimale, portée à 1 100 euros – la dépense est estimée à 3 milliards par an. La concertation portera aussi sur les mesures pour les métiers pénibles et les carrières longues. « Ce qui importe, c’est l’ampleur des dispositifs dérogatoires », confie un négociateur syndical classé « réformiste ». Côté patronat, le Medef soutient la réforme, de même que la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises), qui défend le remplacement du compte pénibilité par un système permettant aux « métiers exposés » de partir en retraite plus tôt. Enfin, il faudra encourager le travail des seniors. Car aujourd’hui, la moitié d’entre eux n’ont pas d’emploi au moment où ils liquident leur retraite.
ÉDUCATION UNE “RÉVOLUTION RH”
Pour réduire les inégalités françaises, Emmanuel Macron n’a qu’un seul mot à la bouche : l’école, l’école et encore l’école. Le grand chantier prioritaire de 2022 l’était déjà en 2017 et s’articulait autour de deux mesures phares : les classes dédoublées dans les CP-CE1 des établissements populaires pour que « plus aucun élève n’arrive au collège sans savoir lire, écrire et compter ». Et la réforme du lycée « à la carte » pour mieux sensibiliser ces mêmes élèves, quelques années plus tard, aux enjeux du supérieur. Le nouveau quinquennat continuera sur la même lancée – les petits effectifs pourront même être généralisés en sixième et en seconde « là où cela s’avère nécessaire ». Mais il devra être également marqué par une révolution côté ressources humaines. Macron souhaite en effet faire évoluer le statut des enseignants, considérant en sous-texte que leur conservatisme et leur individualisme ont une part de responsabilité dans la sous-performance du système scolaire. Au programme : une plus grande autonomie sur le terrain avec un fonds de 1 milliard d’euros pour financer des projets d’équipe innovants. Et surtout une revalorisation inédite (de 10 % à 20% !) ciblée sur les enseignants en début de carrière et ceux acceptant de s’impliquer davantage au-delà de leurs heures de cours (suivis individualisés des élèves et des familles en difficulté, formation continue hors temps d’enseignement, activités périscolaires, remplacements au débotté de collègues…). Ce « pacte » devant être acté grâce à une « nouvelle méthode », « plus participative », qui reste entièrement à inventer.
SANTÉ LES DÉSERTS MÉDICAUX, UNE URGENCE
L’épidémie de Covid-19 est passée par là : la santé devrait être l’une des priorités d’Emmanuel Macron. Il faut dire que le président n’a pas le choix : l’hôpital public, déjà très mal en point avant la crise sanitaire, est au bord de l’effondrement et l’accès aux soins se révèle de plus en plus compliqué pour de nombreux Français. Ce nouveau quinquennat devrait donc s’ouvrir par une grande concertation afin de poursuivre la réforme de l’hôpital entamée dans le cadre du Ségur de la santé, ces négociations menées en juin 2020 qui ont débouché sur des revalorisations salariales.
Dans un même temps, le gouvernement doit s’atteler au sujet brûlant des déserts médicaux, qui ne cessent de s’étendre – un Français sur dix réside désormais dans une zone sous-dotée en généralistes. Concernant l’hôpital, le président-candidat a reconnu qu’il faudra de nouveaux investissements, sans préciser combien il mettra sur la table. Pour lutter contre la pénurie de praticiens en ville, il compte principalement sur la généralisation des assistants médicaux, qui déchargent les médecins des tâches administratives, et sur le transfert de certains actes à des paramédicaux (infirmiers, pharmaciens, sagesfemmes…). Mais pas question de se mettre à dos les libéraux en les contraignant à ouvrir leur cabinet là où la population en a vraiment besoin. Aux yeux de nombre d’élus et de spécialistes de la santé, s’attaquer à la sacro-sainte liberté d’installation serait pourtant la seule mesure à même de vraiment régler le problème. ■