L'Obs

Queer cow-boy

BRONCO, PAR ORVILLE PECK (SONY MUSIC).

- FABRICE PLISKIN

En 2020, dans « Drive Me, Crazy », Orville Peck racontait l’histoire d’un coup de foudre entre deux conducteur­s de poids lourds, dont les regards se croisaient sur l’autoroute. Petite révolution dans la chanson de camionneur, ce sous-genre de la country music. Dans une musique qui ne l’est que de manière cryptée (telle est la loi de la prairie), Peck est ouvertemen­t gay : « La chose la moins intéressan­te en moi », dit-il. Droit dans ses bottes en serpent, le cow-boy masqué revient avec « Bronco », un album intrépide aux parfums de western et de bourbon, qui est un peu sa « Chevauchée fantastiqu­e ». Basé au Canada, Orville est né officielle­ment il y a 34 ans à Johannesbu­rg, en Afrique du Sud, où il a vécu jusqu’à l’âge de 15 ans. Bien sûr, la voix mâle et mélodramat­ique de ce libre épigone de Johnny Cash ou de Roy Orbison rappelle celle d’Elvis, l’Elvis de « Suspicious Minds », qu’Orville semble avoir écouté un million de fois. Gare au concours de sosies ?

En matière de country music (ce blues des Blancs d’Amérique, dit-il), son modèle absolu est Dolly Parton, moins pour la silhouette que pour des maximes adamantine­s comme celle-ci : « C’est dur d’être un diamant dans un monde de strass », à laquelle il incline à s’identifier. « Je vois bien que tu es un garçon triste comme moi/ Cesse de nier ce que ton pauvre coeur réclame », chante Orville, d’un ton protecteur, dans « C’mon Baby, Cry ». Faut-il s’interroger sur le degré de kitsch et de camp d’une pareille chanson ? En tout cas, « C’mon Baby, Cry », avec son fort refrain, ne déparerait pas une comédie de Will Ferrell. Même chose pour ces mots que l’artiste chante avec héroïsme dans « Outta Time » : « Je me souviens de quelqu’un qui m’a dit qu’il n’y avait plus de cow-boys/C’est qu’ils ne me connaissen­t pas. » Ainsi parlait Bronco l’indompté.

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