Queer cow-boy
BRONCO, PAR ORVILLE PECK (SONY MUSIC).
En 2020, dans « Drive Me, Crazy », Orville Peck racontait l’histoire d’un coup de foudre entre deux conducteurs de poids lourds, dont les regards se croisaient sur l’autoroute. Petite révolution dans la chanson de camionneur, ce sous-genre de la country music. Dans une musique qui ne l’est que de manière cryptée (telle est la loi de la prairie), Peck est ouvertement gay : « La chose la moins intéressante en moi », dit-il. Droit dans ses bottes en serpent, le cow-boy masqué revient avec « Bronco », un album intrépide aux parfums de western et de bourbon, qui est un peu sa « Chevauchée fantastique ». Basé au Canada, Orville est né officiellement il y a 34 ans à Johannesburg, en Afrique du Sud, où il a vécu jusqu’à l’âge de 15 ans. Bien sûr, la voix mâle et mélodramatique de ce libre épigone de Johnny Cash ou de Roy Orbison rappelle celle d’Elvis, l’Elvis de « Suspicious Minds », qu’Orville semble avoir écouté un million de fois. Gare au concours de sosies ?
En matière de country music (ce blues des Blancs d’Amérique, dit-il), son modèle absolu est Dolly Parton, moins pour la silhouette que pour des maximes adamantines comme celle-ci : « C’est dur d’être un diamant dans un monde de strass », à laquelle il incline à s’identifier. « Je vois bien que tu es un garçon triste comme moi/ Cesse de nier ce que ton pauvre coeur réclame », chante Orville, d’un ton protecteur, dans « C’mon Baby, Cry ». Faut-il s’interroger sur le degré de kitsch et de camp d’une pareille chanson ? En tout cas, « C’mon Baby, Cry », avec son fort refrain, ne déparerait pas une comédie de Will Ferrell. Même chose pour ces mots que l’artiste chante avec héroïsme dans « Outta Time » : « Je me souviens de quelqu’un qui m’a dit qu’il n’y avait plus de cow-boys/C’est qu’ils ne me connaissent pas. » Ainsi parlait Bronco l’indompté.