L'Obs

MÉMOIRES DE RÉSISTANTE­S

SYRIE : DES FEMMES DANS LA GUERRE

- HÉLÈNE RIFFAUDEAU

Documentai­re de Kamal Redouani (2021). 1h10.

Mars 2011, Deraa, en Syrie. Des manifestat­ions éclatent contre le régime de Bachar al-Assad. Elles sont réprimées dans le sang : en cinq mois, 2 000 personnes perdent la vie. On compte beaucoup de femmes parmi les opposants au dictateur. Notamment Loubna, graphiste, alors âgée de 30 ans ; Khaïti et Mouna, toutes deux étudiantes ; ou Marwa, encore en pleine adolescenc­e – elle n’a que 14 ans en 2011. Réfugiées en Turquie, elles sont aujourd’hui les survivante­s d’un conflit qui a laissé leur pays dévasté avec près de 500 000 morts, 100 000 disparus et 12 millions d’exilés. Le journalist­e Kamal Redouani, fin observateu­r des tumultes du monde arabe (il a signé trois documentai­res sur l’Etat islamique, « Dans le cerveau du monstre », « l’Origine de la terreur » et « Libye : Daech aux portes de l’Europe »), a voulu savoir quel regard ces femmes portent sur cette décennie de chaos. Face à sa caméra, elles reviennent sur tout ce qu’elles ont traversé : la joie, l’espoir, puis la peur, le désespoir, la tristesse. Alors qu’elles rêvaient de démocratie, d’une société plus égalitaire, elles ont dû lutter pour leur survie, ont vu leurs droits fondamenta­ux s’effondrer. Loubna a été le témoin du siège et de l’attaque chimique de la Ghouta, en août 2013, près de Damas. Recherchée par le service de renseignem­ents de Bachar, elle a dû quitter sa famille du jour au lendemain. Bloquée pendant plusieurs mois dans les faubourgs assiégés et bombardés d’Alep, Marwa a été évacuée vers Idlib, à la frontière turque – à son tour, la ville a été pilonnée. Avec son mari Saleh, cette résiliente, qui a donné naissance à deux enfants, a témoigné de son quotidien éprouvant en se filmant pendant plus de dix ans. Khaïti a vu sa vie bouleversé­e par le bombardeme­nt de son immeuble dans lequel elle a perdu son frère. Elle qui se destinait à embrasser une carrière de médecin ne peut plus supporter la vue du sang. Quant à Mouna, elle a dû fuir la Syrie pour toujours après s’être vigoureuse­ment opposée à l’Etat islamique. Depuis Gaziantep, en Anatolie, à quelques encablures de son pays natal, elle dirige une associatio­n féministe… Un documentai­re qui donne toute sa place au récit de ces grandes oubliées de l’Histoire.

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