L'Obs

AMERICAN NIGHTMARE UN CRIME DANS LA TÊTE

Thriller américain de Jonathan Demme (2003). Avec Denzel Washington, Liev Schreiber. 2h10.

- GUILLAUME LOISON

Remake du thriller éponyme de John Frankenhei­mer sorti en 1962, « Un crime dans la tête » troque la guerre de Corée pour les années George W. Bush, contexte contempora­in du film. Le pitch ? Un vétéran de l’opération « Tempête du désert », Ben Marco (Denzel Washington, photo, à gauche), croise un ancien camarade de garnison pas très en forme. Ce dernier lui raconte être assailli de rêves atroces – les mêmes qui peuplent les nuits de Marco depuis une mission sanglante en 1991. Ce qui s’apparente à une classique réaction post-traumatiqu­e se révèle une sourde machinatio­n orchestrée par une compagnie médicale. Marco n’a qu’un seul espoir : s’entretenir avec Raymond Shaw (Liev Schreiber), candidat à la Maison-Blanche, un drôle de type qui a servi durant la guerre du Golfe sous son commandeme­nt… Hollywood a très vite conclu que l’expérience militaire américaine en Irak était l’une des conséquenc­es politiques désastreus­es de l’après-11-Septembre, engendrant une série de films brûlots sans grand intérêt. Pour autant, « Un crime dans la tête » constitue une forme d’exception. Sans prétendre au chef-d’oeuvre, c’est un excellent polar, rythmé, tordu et futé, qui, sous sa façade de divertisse­ment paranoïaqu­e hérité des grands films conspirati­onnistes des seventies, brosse un tableau très juste d’une Amérique phagocytée par le grand capital et le cynisme politique d’un gouverneme­nt corrompu. La grande idée de Jonathan Demme, réalisateu­r modeste mais précis comme un sniper (on lui doit une poignée de bons films dont « le Silence des agneaux »), consiste ici à effilocher l’intrigue polardeuse dans un grand bain onirique. Pour preuve, la grande scène d’envoûtemen­t de Raymond Shaw, téléguidé en un coup de fil par la voix d’un généticien scélérat, qui achève de lui triturer le cerveau au terme d’un long plan-séquence dans une salle d’opération dissimulée derrière le mur d’un dressing. On pourrait résumer par là la différence entre le complotism­e des années Nixon et celui qui fleurit en ce début de siècle : le premier était appréhendé comme une réalité tangible, alors que le second tient davantage d’un sentiment diffus, presque gazeux.

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