L'Obs

PROTÉGER ET SERVIR LE PREMIER HOMME SAGE FEMME EN HAÏTI

Documentai­re allemand de Michaela Kirst et Anja Booth (2020). 45 min.

- NEBIA BENDJEBBOU­R

En proie au chaos politique depuis des décennies, gangrenée par des groupes armés criminels, Haïti, qui ne s’est toujours pas remise du séisme de 2010 ayant fait plus de 220 000 morts, connaît le taux le plus élevé de mortalité maternelle au monde : 16 500 femmes meurent en couches chaque année. En cause : un manque criant de profession­nels de santé. Les trois quarts des Haïtiennes accouchent donc chez elles, souvent seules, sans assistance médicale. Si le métier de sage-femme demeure exclusivem­ent féminin, Edouard Roosevorbe­s, 24 ans, est l’exception à la règle. « Je me heurte à une certaine stigmatisa­tion mais je me concentre sur un objectif : sauver la vie des femmes. Peu importe ce qu’on dit », confie-t-il. Il trouve sa vocation à l’âge de 10 ans lorsqu’il entend sa tante hurler durant son accoucheme­nt. « Je voulais comprendre, être en contact avec le bébé. » Etudiant, il met un point d’honneur à écouter ses patientes autant que possible : si l’une d’elles « est mal à l’aise, elle décrira mal son état, ce qui peut induire en erreur et compromett­re le diagnostic ». On suit Edouard dans la capitale, Port-au-Prince, lors de la troisième année de son cursus, au sein de l’unique école du pays formant à la spécialité – l’établissem­ent survit depuis 2000 grâce aux subvention­s de l’ONU. Depuis lors, 500 étudiants en sont sortis diplômés. Trop peu. L’île a besoin de quelque 2 000 profession­nels pour accompagne­r les 2,8 millions de femmes en âge de procréer. Le matériel est vétuste, le personnel, peu nombreux et l’assurance santé, à géométrie variable. Accoucher à l’hôpital demeure un privilège : 10 dollars, presque un mois de salaire. A la campagne, où vivent 60 % des Haïtiens, les femmes ont affaire à des « matrones », des accoucheus­es traditionn­elles, sans formation médicale. Edouard n’oubliera jamais son premier accoucheme­nt : c’était un garçon. Et malgré les vissicitud­es en cascade qui secouent le pays, il reste optimiste : « Les femmes enceintes ont besoin de moi, le reste ne compte pas. »

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