L'Obs

GÉNIE PARTI TROP VITE BORIS VIAN, UN COEUR QUI BATTAIT TROP FORT

Documentai­re français de Sylvain Bergère et Stéphane Benhamou (2020). 1h05.

- SOPHIE DELASSEIN

Etrange vie que celle de Boris Vian, qui commence avec des sages-femmes en grève le jour de sa naissance et s’achève, le jour de son enterremen­t, avec une grève des fossoyeurs. Courte vie, aussi : l’auteur de livres et de chansons, musicien et pataphysic­ien, a toujours prédit qu’il mourrait avant 40 ans. Son coeur a cessé de battre alors qu’il en avait 39, un matin, au cinéma Le Marbeuf, à Paris, lors d’une projection privée de « J’irai cracher sur vos tombes », adaptation de son roman rédigé en deux semaines (signé du pseudo de Vernon Sullivan) qui fit fureur, à son corps défendant. Cette projection le contrarie, il a accepté que le film se fasse uniquement pour raisons financière­s. Il n’en est pas mort, précise feu Ursula Vian, sa seconde et dernière épouse. Il souffrait des séquelles d’une fièvre typhoïde contractée à l’adolescenc­e. Tout au long de son existence, Boris Vian aura été « un grand garçon pâle avec un long visage, un humour glacé et un coeur fragile », comme le dessinait Juliette Gréco, son amie du temps de la grandeur de Saint-Germain-des-Prés. Un hyperactif qui travaillai­t sans cesse parce qu’il se savait en sursis. Ingénieur diplômé de l’Ecole centrale, trompettis­te de jazz avec ses deux frères, il gardera un goût amer et une blessure profonde de ne pas avoir été reconnu en tant qu’écrivain. Ses chansons ont été interprété­es par Magali Noël, Salvador, Mouloudji, Reggiani. C’était « la Java des bombes atomiques », c’était « le Déserteur ». Une vie fragile mais pleine. Et pleine parce que fragile. Cet axe est parfaiteme­nt tenu par les documentar­istes Sylvain Bergère et Stéphane Benhamou dans ce film réalisé à l’occasion du centenaire de sa naissance. Désormais, quand on regardera le Moulin Rouge, on se souviendra que Vian et Prévert vivaient juste au-dessus, créant beaucoup, partageant une amitié forte. « Faut rigoler avant que le ciel nous tombe sur la tête », écrivait Boris Vian.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France