Le Cameroun à Paris
SUR LA ROUTE DES CHEFFERIES DU CAMEROUN. DU VISIBLE À L’INVISIBLE. MUSÉE DU QUAI BRANLY-JACQUES-CHIRAC, PARIS-7E. JUSQU’AU 17 JUILLET.
Puisque l’heure est au bilan critique du macronisme, évoquons ce qui a été bien fait : la mise en avant des arts d’Afrique, classiques et contemporains, est sans doute le plus bel accomplissement de ces dernières années (le seul notable, diront certains) en matière de politique culturelle. On ne compte plus les expositions, les événements, à Paris comme en région. La saison « Africa 2020 », décidée par Emmanuel Macron au début de son premier quinquennat, a touché plus de 4 millions de Français. Notre ignorance de ce qui vient d’Afrique est immense, et il faut célébrer tout ce qui la comble. Beaucoup de choses se jouent derrière : le dépassement de notre histoire coloniale, la redéfinition de notre rapport aux cultures africaines, et plus généralement l’acceptation de cette africanité française qui, à croire les résultats électoraux récents, nous effraie.
A tous ces égards, « Sur la route des chefferies du Cameroun », exposition organisée par le Quai-Branly, est exemplaire : on y découvre l’incroyable patrimoine artistique, artisanal et religieux de la cinquantaine de royaumes dispersés dans la région des Grassfields, au nord du pays. Une zone luxuriante et montagneuse, marquée par les traditions bamiléké et bamoun. L’exposition parisienne, magnifique, est adossée à un grand programme de revalorisation patrimoniale au Cameroun, lui-même compris dans une opération plus vaste, comprenant une « Route du Sahel » entamée en 2021 et une future « Route des seigneurs de la forêt ».
Au Quai-Branly, on se plonge dans l’univers envoûtant des Grassfields. On s’initie à son architecture avec des chefs-d’oeuvre comme l’entrée de la concession sacrée de Batoufam, dont l’ornementation minutieuse vaut celle de nos églises gothiques. L’art des fétiches, des calebasses, des piliers sculptés, des masques, des costumes : tout est d’une richesse et d’une beauté invraisemblables. On y fait l’apprentissage de cosmogonies étrangères, donc étranges, portées par ces mystérieuses sociétés secrètes qui ont survécu au colonialisme et continuent d’organiser la vie locale. Notons que les grands chefs camerounais ont collaboré à la scénographie. Parmi eux, un chef d’un genre particulier : l’ancien tennisman Yannick Noah, dont on apprend qu’il est, depuis 2017, chef traditionnel du village Etoudi. Ambiance dans la brousse.