L'Obs

LA PETITE BÊTE QUI MONTE

DES MOUSTIQUES ET DES HOMMES

- ARNAUD GONZAGUE

Documentai­re d’Hervé Corbière (2022). 55 min. Avec Erik Orsenna.

Si, un jour, vos enfants reviennent de l’école avec des questions sur la théorie de l’évolution de Charles Darwin, montrez-leur ce documentai­re consacré au moustique. Car voilà 220 millions d’années que l’irritant diptère sirote avec une admirable constance tout ce qui, ici-bas, possède des artères parcourues de sang tiède. Pour perdurer ainsi, il lui a fallu des facultés d’adaptation remarquabl­es, qui lui ont notamment permis de ne jamais succomber aux efforts déployés par l’humain pour l’exterminer. Aujourd’hui, ce vecteur de dizaines de virus, dont le paludisme, la dengue ou le chikunguny­a, provoque toujours la perte d’un demi-million d’humains chaque année– toutes les minutes sur Terre, un enfant meurt ainsi du paludisme ! Petit et mobile, le moustique se reproduit avec une effrayante rapidité et dépose ses larves dans des endroits difficilem­ent accessible­s – par exemple, dans le creux d’un pneu usagé, un bien marchand qui fait le tour de la planète et lui a permis, en quelques années, de coloniser toutes les terres. Voilà comment le moustique tigre (Aedes albopictus), natif des forêts du Sud-Est asiatique, prend aujourd’hui ses quartiers dans toutes les métropoles du globe, y compris depuis 2004 en France, où sa présence devient franchemen­t préoccupan­te. L’arroser d’insecticid­es ? C’est bien la dernière des choses à faire ! Car – loi de Darwin s’il en est – seuls les plus résistants survivent à ce traitement, donnant des larves hyperadapt­ées à notre misérable chimie. Et tout cela est fulgurant : une seule génération humaine correspond à 300 génération­s de moustiques ! Faut-il désespérer ? Eh bien non. D’abord parce qu’un vaccin efficace contre le paludisme vient d’être reconnu par l’Organisati­on mondiale de la Santé (OMS). Ensuite, parce qu’il existe, semblet-il, une technique « propre » : la « lutte biologique », susceptibl­e d’anéantir notamment les espèces porteuses de dengue. Il s’agit d’inoculer une bactérie, Wolbachia, à des moustiques mâles qui, en s’accouplant, contaminer­ont les femelles (elles seules piquent) et les rendront incapables de nous transmettr­e cette cochonneri­e. Victoire ? M. Darwin vous le dira : ces bêtes pourraient continuer à nous étonner…

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France