LE CAPITALISME COURT TOUJOURS
EUROPE, UN CONTINENT BOULEVERSÉ
Série documentaire d’Andreas Pichler et Pierre-Olivier François (2022). 6 x 52 min.
Est-il encore temps de sauver la planète ? Autour de la vertigineuse question, Arte présente « Europe, un continent bouleversé », composé de six documentaires panoramiques. L’idée est de montrer la floraison d’initiatives locales modélisables et toute l’ardeur citoyenne déployée pour que la température n’augmente « que » de deux degrés d’ici à 2030. La guerre en Ukraine met au centre des préoccupations l’énergie, sujet du premier film. Il y 30 centrales à charbon à « éteindre » au plus vite en Europe. Partout, on invente comment se passer aussi du pétrole et du gaz. Le Danemark parsemé d’éoliennes produit par vent fort un surplus d’électricité décarbonée drainée par ses voisins. Près de Tchernobyl, les modules solaires pour les toits sont en vente au supermarché. Cela suffira-t-il ? « Le continent doit radicalement changer sa façon de produire l’énergie », dit la voix off et singulière d’Amel Charif, laquelle porte l’information avec intelligence. Radicalement ? Le concept surgit par hasard mais attrapons-le. Peut-être faudrait-il reconnaître les vertus de la radicalité, cette fenêtre ouverte sur l’essence des choses et les causes profondes. Si les guerres menées pour le gaz et le pétrole sont évoquées dans ce film (et les contrats avec des dictateurs), il n’est pas question du modèle économique à l’origine de ces crimes : le capitalisme. Dans les débats les plus médiatisés, le mot est absent alors que les ONG et autres Amis de la Terre documentent non-stop la responsabilité des multinationales dans le cataclysme en cours. Tant qu’il reste des gisements à exploiter, les pétrolières forent sans limite, comme TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie, en dépit d’une com bien rodée sur les « énergies vertes ». Pour comprendre les enjeux, il y a les ouvrages de Guillaume Pitron sur l’écocide en cours dans l’arrière-cuisine de la « transition énergétique » et le livre, majeur, de l’économiste Hélène Tordjman, « la Croissance verte contre la nature », qui décrit la logique extractiviste des « solutions » envisagées au nom du Pacte vert européen ou du Green New Deal. Que faire alors ? Imposer la révision de notre mode de vie, de fond en comble. « Bifurquer », comme disait le regretté Bernard Stiegler en puisant dans un carburant propre : l’énergie politique.