L'Obs

À JAMAIS LE PREMIER

CHUCK BERRY

- HÉLÈNE RIFFAUDEAU

Documentai­re de Jon Brewer (2018). 1h38.

Le 23 mai 1948, dans une rue de Saint-Louis, Missouri : un jeune homme assis sous un arbre interpelle une jeune femme. Coup de foudre immédiat : ils vont se marier six mois plus tard et ne plus jamais se quitter. A l’époque, Charles Edward Anderson Berry n’est pas encore musicien. C’est après la rencontre avec la soeur de son épouse, chanteuse de blues à ses heures, qu’il se met à la guitare. Ainsi naît la légende de Chuck Berry… Dans un documentai­re foisonnant, Jon Brewer, qui, dans une autre vie, fut le manager musical de David Bowie, revient sur la carrière de celui qui est considéré comme le père du rock’n’roll. Il y a, d’abord, les premières inspiratio­ns (Nat King Cole, T-Bone Walker, Charlie Christian), puis la rencontre avec Johnnie Johnson, le pianiste de blues qui lance sa carrière, avant que Muddy Watters lui permette d’enregistre­r, en 1955, son premier single, chez Chess Records, le célèbre label blues de Chicago. « Maybellene » devient un tube. Et Chuck Berry, une idole aux côtés de Fats Domino, Little Richard et Elvis Presley. Les succès planétaire­s s’enchaînent pour l’auteurcomp­ositeur-interprète aux textes poétiques et au jeu de guitare exceptionn­el. Il est le premier à lier le blues, considéré comme « la musique du diable », et le rock’n’roll, adoubé par la jeunesse des années 1950. Il subit néanmoins la discrimina­tion dans une

Amérique encore marquée par la ségrégatio­n, tout en réussissan­t une gageure : avant même Martin Luther King et le mouvement pour les droits civiques, ses chansons font tomber les barrières en faisant danser Blancs et Noirs ensemble. Jon Brewer ne fait pas l’impasse sur ses frasques : braquage de magasins (dans sa jeunesse), détourneme­nt de mineur, fraude fiscale, le loustic a séjourné plusieurs fois en prison, parallèlem­ent à sa vie de famille épanouie. Serti d’images de concerts et de nombreux entretiens avec ses enfants, petits-enfants et les musiciens qui l’ont connu (mention spéciale à Keith Richards qui, après avoir subi son intransige­ance lors de deux concerts, certifie que Berry était « plus gonflant que Mick Jagger »), ce film rend un hommage percutant à ce pionnier, disparu en 2017 à 90 ans.

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