“Nos concitoyens ont parfois raison d’être en colère”
Vous qui militez depuis plusieurs années pour une dépénalisation des « petits » excès de vitesse, êtes-vous satisfaite des annonces du gouvernement ?
Je me réjouis qu’il dise vouloir faire preuve de plus de discernement pour les « petits » excès. Mais je ne suis pas dupe du fait que ces annonces surviennent en période électorale. Et puis, attention : cesser de retirer un point, ce n’est pas supprimer les amendes. Or, sur le terrain, j’entends énormément d’associations et de Français dire qu’ils ne supportent plus de se faire « pruner », alors que leur comportement n’est pas celui de délinquants de la route. J’ai voulu en avoir le coeur net et, en 2021, j’ai écrit au ministère de l’Intérieur pour réclamer des données. Notre intuition était la bonne : dans 58 % des cas, les infractions constatées le sont pour des dépassements de 1 à 5 km/h… Les « gentils » radars sont d’abord des machines à sous !
En même temps, personne n’aime payer des contraventions. Le « terrain » a-t-il toujours raison ?
Dans certains cas, nos concitoyens ont raison d’être en colère. Prenez le département du Var, dont je suis élue. Il est encore très rural: pour conduire ses enfants à l’école, pour se rendre au travail, pour faire ses courses, il faut avoir recours à son véhicule, donc multiplier les risques de dépasser faiblement la vitesse autorisée. Tout le monde n’a pas de régulateur de vitesse, et on ne peut pas passer notre temps le nez rivé sur le GPS ! Dans un contexte géopolitique inédit où le pouvoir d’achat s’effrite, où le prix du carburant s’envole, il me semble donc important que l’Etat se montre à l’écoute de ces préoccupations : de 68 à 135 euros d’amende, c’est un gros panier, voire un chariot de courses hebdomadaires pour une famille.
Mais n’envoie-t-on pas, implicitement, le message aux Français que la sécurité routière n’est « pas si importante » ? Un piéton qui se fait renverser avec 5 km/h de plus sent bien la différence…
Voilà pourquoi je regrette que le gouvernement n’ait pas mis en place le système de réponse graduée que je prônais : à la première infraction, l’administré reçoit une lettre d’avertissement, mais pas d’amende. Etant prévenu, il redoublera donc de prudence. C’était là une manière, me semblet-il, de ne pas se montrer d’une sévérité excessive, sans toutefois banaliser les infractions. Et vous avez raison, peut-être que cette indulgence ne doit pas s’appliquer dans une zone de centre-ville piétonnier, où la gravité d’un dépassement est effectivement supérieure à celle d’une route nationale ou d’une autoroute. Adaptons intelligemment nos réponses pénales. Propos recueillis par