L'Obs

“Les excès de vitesse ne sont jamais petits”

- ANNE LAVAUD Déléguée générale de l’associatio­n Prévention routière THIERRY NOISETTE

Le retrait d’un point pour les excès de vitesse inférieurs à 5 km/h reste-t-il nécessaire ?

Oui, il reste même indispensa­ble. La majorité des Français utilisent leur voiture tous les jours. Cet acte est banalisé, mais très exigeant en termes de charge mentale. Conduire, c’est analyser l’environnem­ent en permanence et prendre une décision toutes les cinq secondes, si bien que les vitesses maximales autorisées sont des espèces de béquilles mentales: j’entre dans un environnem­ent où les autorités compétente­s ont considéré que conduire au-delà de 20, 30 ou 50 km/h constituai­t un danger. C’est une aide à la conduite, pas une punition.

Une différence de 5 km/h est-elle si importante quant aux accidents ?

Les excès de vitesse ne sont jamais « petits ». Quand des gens contestent : « Je n’étais qu’à 1 ou 2 km/h au-dessus de la vitesse autorisée », ils se trompent : les radars laissent une marge technique d’erreur de 5 km/h. Donc quand vous êtes sanctionné pour 5 km/h, cela signifie que vous étiez déjà à 10 km/h de trop. Cela fait une forte différence: en zone urbaine, un piéton heurté par un véhicule à 30 km/h a 15 % de risque d’être tué. A 40 km/h, le risque létal est doublé.

Possibilit­é de revenir à 90 km/h, éventuel allègement des « petits » excès de vitesse… Constatez-vous un recul de la prévention routière en France ?

J’observe en effet que cette prévention devient le parent pauvre des politiques publiques. Nous avons d’ailleurs eu la tristesse de constater qu’aucun candidat à la présidenti­elle n’abordait le sujet. Et l’annonce de la fin éventuelle du retrait d’un point nous a beaucoup surpris. Le permis à points fêtant ses 30 ans cette année, nous nous attendions à un éventuel toilettage, mais là, c’est un coup de canif dans son principe même.

Pourquoi ?

Le permis à points est en soi fondé sur la pédagogie: si vous conduisez correcteme­nt pendant un certain temps, vous les récupérez. De plus, lorsque vous êtes à la limite de perdre vos derniers points, la loi vous permet de suivre un stage de sensibilis­ation à la sécurité routière. Le système actuel d’infraction manque clairement de pédagogie, puisqu’il n’inclut aucun message de prévention : il est donc souvent vécu comme un impôt supplément­aire. Mais il est pire encore de dire que certaines infraction­s n’entraînent pas de retrait de points. Cela revient à affirmer que, finalement, le permis à points n’est pas si pertinent. Alors qu’en avril, les chiffres de la Sécurité routière étaient mauvais [+30 % de hausse de la mortalité par rapport à avril 2021] pour un trafic pourtant pas complèteme­nt revenu à l’étiage de l’avant-Covid.

Propos recueillis par

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France