“Les excès de vitesse ne sont jamais petits”
Le retrait d’un point pour les excès de vitesse inférieurs à 5 km/h reste-t-il nécessaire ?
Oui, il reste même indispensable. La majorité des Français utilisent leur voiture tous les jours. Cet acte est banalisé, mais très exigeant en termes de charge mentale. Conduire, c’est analyser l’environnement en permanence et prendre une décision toutes les cinq secondes, si bien que les vitesses maximales autorisées sont des espèces de béquilles mentales: j’entre dans un environnement où les autorités compétentes ont considéré que conduire au-delà de 20, 30 ou 50 km/h constituait un danger. C’est une aide à la conduite, pas une punition.
Une différence de 5 km/h est-elle si importante quant aux accidents ?
Les excès de vitesse ne sont jamais « petits ». Quand des gens contestent : « Je n’étais qu’à 1 ou 2 km/h au-dessus de la vitesse autorisée », ils se trompent : les radars laissent une marge technique d’erreur de 5 km/h. Donc quand vous êtes sanctionné pour 5 km/h, cela signifie que vous étiez déjà à 10 km/h de trop. Cela fait une forte différence: en zone urbaine, un piéton heurté par un véhicule à 30 km/h a 15 % de risque d’être tué. A 40 km/h, le risque létal est doublé.
Possibilité de revenir à 90 km/h, éventuel allègement des « petits » excès de vitesse… Constatez-vous un recul de la prévention routière en France ?
J’observe en effet que cette prévention devient le parent pauvre des politiques publiques. Nous avons d’ailleurs eu la tristesse de constater qu’aucun candidat à la présidentielle n’abordait le sujet. Et l’annonce de la fin éventuelle du retrait d’un point nous a beaucoup surpris. Le permis à points fêtant ses 30 ans cette année, nous nous attendions à un éventuel toilettage, mais là, c’est un coup de canif dans son principe même.
Pourquoi ?
Le permis à points est en soi fondé sur la pédagogie: si vous conduisez correctement pendant un certain temps, vous les récupérez. De plus, lorsque vous êtes à la limite de perdre vos derniers points, la loi vous permet de suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Le système actuel d’infraction manque clairement de pédagogie, puisqu’il n’inclut aucun message de prévention : il est donc souvent vécu comme un impôt supplémentaire. Mais il est pire encore de dire que certaines infractions n’entraînent pas de retrait de points. Cela revient à affirmer que, finalement, le permis à points n’est pas si pertinent. Alors qu’en avril, les chiffres de la Sécurité routière étaient mauvais [+30 % de hausse de la mortalité par rapport à avril 2021] pour un trafic pourtant pas complètement revenu à l’étiage de l’avant-Covid.
Propos recueillis par