L'Obs

“JE SUIS DEVENUE DÉPRESSIVE”

ANNE*, 23 ANS, ÉTUDIANTE

- Propos recueillis par H. R.

La première fois, c’était en 2017, je venais d’avoir mon bac et je commençais mes études supérieure­s. C’était en soirée, je voulais paraître cool donc j’ai dit que j’avais déjà consommé. Ce qui a été déterminan­t pour moi dans le fait que j’en prenne, c’est que je n’assimilais pas ça du tout à un truc de toxico. Les gens que je connaissai­s et qui en prenaient ne correspond­aient pas du tout à cette dépendance un peu laide qu’on peut voir dans des films comme « Trainspott­ing ». A l’époque, on faisait la fête presque tous les jours, avec peut-être un jour de pause le temps de récupérer un peu. Au début, je prenais de la cocaïne pour me donner l’impression d’être moins saoule, pour supprimer les effets de l’alcool et gagner quelques heures de plus. On s’amusait vachement bien, jusqu’au point où la soirée était terne si l’on n’en prenait pas. En plus, c’était super facile d’en trouver. On avait un dealer qui venait en voiture. Il restait un peu avec nous, on partageait. C’était vraiment de la livraison à domicile. Financière­ment, ça allait parce que j’avais la chance de recevoir de l’argent de mes parents, mais j’avoue que durant la période où j’en ai beaucoup pris, j’ai rogné sur la nourriture et les vêtements. Je consommais tous les jours, surtout la première année. J’en avais toujours sur moi en prévision d’une éventuelle soirée. J’ai arrêté deux ans plus tard à cause de deux choses. La première, c’est ce qui m’est arrivé le lendemain d’une soirée où j’en avais trop pris. Sans faire d’overdose, je me suis retrouvée aux urgences avec l’intestin « inflammé » au point qu’ils ont dû me garder une nuit. La deuxième, c’est que j’étais en train de rater mes études. Je suis devenue dépressive. Mon copain qui en prenait aussi m’a dit qu’il fallait qu’on arrête alors je suis passée à l’herbe. J’ai réussi à me sevrer aussi brutalemen­t parce que je ressentais moins l’envie de sortir, puisque j’étais un peu tout le temps défoncée. J’ai arrêté l’herbe ensuite, pour la même raison. Les études, ça m’a vraiment mis un coup. J’ai revu quelques personnes de mon ancien groupe récemment, je vois bien que je ne suis plus du tout au même endroit qu’eux et ça me fait plaisir. Après, je sais que je n’ai pas arrêté la coke parce que j’en étais dégoûtée. J’ai craqué quelquefoi­s et je sais que si j’y étais confrontée à nouveau, je pourrais recommence­r.

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