L'Obs

“ÇA ME COÛTE UN TIERS DE MON SALAIRE”

ALEX*, 36 ANS, EMPLOYÉ DE RAYON DANS LA GRANDE DISTRIBUTI­ON

- Propos recueillis par H. R. (*) Les prénoms ont été modifiés.

Je prends un demi-gramme de cocaïne tous les soirs, mais jamais quand j’ai mon fils. Il a 7 ans. Je suis séparé, je l’ai avec moi une semaine sur deux. J’avais arrêté avant sa naissance mais j’ai repris il y a trois ans, surtout à cause de mes horaires de travail. Je fais de la mise en rayon, je démarre tous les jours à 4 heures du matin pour terminer à 11 heures. Faut tenir. Ensuite, un enfant, faut tenir. La vie, faut tenir aussi. La cocaïne, j’arrive à en avoir plus rapidement qu’un repas au drive du McDo. Il y a un quartier là où je vis, vous passez en voiture, vous êtes servi en une minute chrono. J’en prends aussi pour me sentir bien. Il y a des gens qui boivent du vin le soir, moi je fais autrement. Je gagne 1 500 euros par mois. La cocaïne me coûte un tiers de mon salaire alors on se débrouille, je fais du black. Tous les mercredis, je tonds des gazons, je me fais 50 euros. C’est déjà ça. Après, ça me choque qu’on parle de la cocaïne aussi banalement dans les médias. Ce n’est pas que je craigne que ça motive les jeunes à en prendre, c’est juste que je ne veux pas normaliser encore plus la chose. Ce qui me rassure, c’est que j’arrive à m’en passer quand j’ai mon fils, mais c’est vrai que si j’en avais ces soirs-là aussi, je serais heureux. Avec mon meilleur ami, on a pris de la cocaïne en même temps et maintenant, on ne se voit plus. Il est complèteme­nt tombé dedans. Il se lève le matin à 9 heures, il va chercher son demigramme. Si je finissais par en arriver là, je pense que je réfléchira­is à arrêter. Pour l’instant, tant que j’arrive à ne pas en prendre quand mon fils est là, je n’y pense pas.

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