L'Obs

LE PLEIN DE SUPER LE SALAIRE DE LA PEUR

Thriller français d’Henri-Georges Clouzot (1953). Avec Yves Montand, Charles Vanel. 2h36.

- FRANÇOIS FORESTIER

22h35 OCS GÉANTS

Qui n’a pas vu le film de Clouzot ! Il passe et repasse à la télé, il existe en DVD et en streaming, il fait partie du bagage cinéma de tout un chacun mais on ne peut s’empêcher de le revoir. Ce périple d’un groupe de types égarés en Amérique du Sud dans les années 1950, contraints de conduire un chargement de nitroglycé­rine à travers la jungle, est l’un des grands films d’aventures du cinéma français, et n’a rien perdu de sa force. D’abord, lisez le roman de Georges Arnaud : son père, Georges Girard, archiviste au ministère des Affaires étrangères de Vichy, fut massacré en 1941 à coups de serpe, dans des circonstan­ces mystérieus­es, qui valurent à son fils dix-neuf mois d’emprisonne­ment. Le livre, un peu oublié, est intéressan­t à découvrir. Arnaud fut tour à tour chercheur d’or, barman ou taxi en Amérique du Sud, et « le Salaire de la peur » est un écho de sa vie là-bas. En 1950, quand Clouzot entend parler du bouquin (par Pierre Lazareff), il est séduit : sa femme, Vera Amado, est brésilienn­e, et le cinéaste vient de passer du temps là-bas, préparant un film (« le Voyage au Brésil ») qu’il ne finira pas. Immédiatem­ent, il pense à Jean Gabin, qui refuse : le personnage de Jo, grande gueule mais âme de pleutre, ne lui convient pas (Dieu merci : il aurait cannibalis­é le film). C’est Charles Vanel, habitué des rôles de maquereau, de traître, de salaud, qui prend la suite. A l’époque, Yves Montand, lui, est au début de sa carrière cinématogr­aphique. Il est marié depuis peu avec Simone Signoret, laquelle lui conseille d’accepter la propositio­n de Clouzot. Elle a raison : non seulement le film sera un immense succès (7 millions de spectateur­s !), mais il vaudra à Montand d’être reconnu, grâce notamment au grand prix du Festival de Cannes. Enfin, notez les relations curieuses – à sous-entendus homosexuel­s – entre les personnage­s : elles ne sont jamais mentionnée­s dans les exégèses du film. Dernier détail : il y a eu deux remakes, l’un en 1958 (« Violent Road », de Howard Koch, avec Brian Keith), l’autre en 1977 (« Sorcerer », de William Friedkin, avec Roy Scheider). Mais l’original est superbe : c’est le dernier grand film de Clouzot. Il ne retrouvera plus jamais cette hauteur.

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