L'Obs

L’APPRENTI SORCIER L’AFRIQUE, LES OGM ET BILL GATES

Documentai­re de Jean-Baptiste Renaud et Lila Berdugo (2021). 52 min.

- ARNAUD GONZAGUE

23h20 ARTE

Bien sûr, il faut toujours se méfier de l’hostilité qu’on éprouve envers les riches. Prenez Bill Gates. Après avoir mené la carrière que l’on sait, le fondateur de Microsoft s’est lancé dans la philanthro­pie. C’est son droit, non ? Et puis on ne peut nier que vouloir lutter contre la famine et le paludisme est une ambition tout à fait estimable. Le problème, parfaiteme­nt exposé dans ce documentai­re, c’est que par sa puissance (sa fondation pèse 50 milliards de dollars), le milliardai­re oriente lourdement les choix sanitaires et technologi­ques opérés par les gouverneme­nts, notamment en Afrique. Or Bill Gates est un supporter zélé des organismes génétiquem­ent modifiés (OGM). Il ne lui viendrait pas à l’idée de développer, par exemple, l’agroécolog­ie nourricièr­e, qui permettrai­t à des pays démunis de devenir autonomes sur le plan alimentair­e et résilients face au réchauffem­ent. Non : lui préfère verser 15 millions de dollars pour farfouille­r dans les gènes du manioc en Côte d’Ivoire. Avec pour objectif – pas vraiment assumé – d’inventer un manioc ayant subi une mutagenèse (un bidouillag­e génétique apparenté aux OGM). Lequel arrangerai­t bien les grandes multinatio­nales occidental­es (Bayer-Monsanto, BASF…) qui, précisémen­t, travaillen­t là-dessus, et dont Gates est parfois l’actionnair­e. Qu’adviendra-t-il pour les paysans ivoiriens si le manioc OGM, denrée de base des familles, détraquait l’agricultur­e locale ? Mister Microsoft ne s’est apparemmen­t pas posé la question… pas plus que l’Union européenne, qui soutient financière­ment le projet, en totale contradict­ion avec sa propre législatio­n anti-OGM. Au Burkina Faso, la Fondation Gates finance – en toute opacité – la création d’un moustique génétiquem­ent modifié destiné à éradiquer le paludisme. Beau projet… sauf qu’une étude menée au Brésil démontre que ce bricolage génétique contribue plutôt à renforcer l’insecte tueur. Là encore, les population­s africaines jouent, malgré elles, les cobayes du milliardai­re technophil­e. On a parfois raison d’être hostile aux riches !

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