L'Obs

Hongkong, les promesses non tenues

- Par PIERRE HASKI P. H.

Premier juillet 1997 à Hongkong… L’Union Jack, le drapeau britanniqu­e, est abaissé une dernière fois, plié et remis au prince Charles sous une pluie battante. Cent cinquante-cinq ans d’histoire coloniale prennent fin. Le soir même, le ciel est dégagé pour un feu d’artifice mémorable sur la baie de Hongkong. L’ambiance est à la fête.

En 1997, pour cette rétrocessi­on de Hongkong à la Chine, négociée par Margaret Thatcher et Deng Xiaoping, les pessimiste­s ont eu tort. Tous les indicateur­s sont au beau fixe : la Chine s’est engagée à respecter cinquante ans l’autonomie politique de Hongkong avec ce magnifique slogan « Un pays, deux systèmes ». Pékin est sur la voie de réformes économique­s qui ne manqueront pas, c’est l’opinion dominante, de libéralise­r son système politique. Au point que le « Financial Times » se demande alors si, à terme, ce n’est pas Hongkong qui va influencer la Chine, plutôt que l’inverse…

Premier juillet 2022. Pour le 25e anniversai­re de la rétrocessi­on, le numéro un chinois Xi Jinping honore Hongkong de sa visite. Pour une partie de la population, cette visite a des allures de tournée d’inspection après une victoire. La promesse d’autonomie pendant cinquante ans n’a même pas été honorée jusqu’à la moitié du chemin : « Un pays, deux systèmes » est devenu « Un pays, un système », ou presque.

Qui peut croire qu’il y a seulement trois ans, un quart des sept millions de Hongkongai­s étaient dans la rue pour défendre leurs droits ? Qu’il y avait autrefois une presse libre, une société civile active et dynamique, une vie politique pluraliste ? Rien de tout cela n’existe plus. A la place, il y a un système mis en coupe réglée par les serviteurs zélés de la puissance chinoise. Symbole extrême : c’est un ancien chef de la police, John Lee, qui devient ce 1er juillet chef de l’exécutif du territoire, choisi par Pékin. Nathan Law, 28 ans, un des leaders de la contestati­on, s’est enfui à Londres pour ne pas rejoindre ses amis en prison. A Paris la semaine dernière, il me confiait son ambition limitée : faire exister Hongkong en exil, défendre une identité politique et culturelle distincte de celle du continent… en attendant des jours meilleurs. Dans un livre intitulé « Freedom », il réfléchit au sens des libertés perdues. Il me fait penser au livre de la journalist­e turque exilée Ece Temelkuran, « Comment conduire un pays à sa perte », qui explique la manière dont Recep Tayyip Erdogan a organisé la régression démocratiq­ue de la Turquie et, progressiv­ement, éteint la lumière.

Les libertés dont jouissait Hongkong se sont écroulées comme un château de cartes le jour où Pékin l’a décidé : le jour où le Parti communiste chinois a estimé qu’il n’avait plus besoin de faire semblant. Le reste du monde s’est tu, résigné, alors que le traité sino-britanniqu­e est un document internatio­nal. Les Occidentau­x ont considéré que, Hongkong étant désormais dans le giron de la République populaire de Chine, il n’y avait pas grand-chose à faire.

Le rouleau compresseu­r du PCC est en action. Lu Wenfu, un écrivain aujourd’hui décédé, sévèrement réprimé lors de la « campagne anti-droitiers » des années 1950, m’avait dit que la révolution avait besoin de petits cailloux pour aplanir sa route, et qu’il avait eu le malheur d’être un de ces « cailloux ». Les Hongkongai­s ont le même sentiment face à la puissance chinoise qui s’impose.

“Un pays, deux systèmes” est devenu “un pays, un système”.

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