“Nous ne sommes pas pauvres”
Qu’espérez-vous des discussions avec l’Etat sur l’autonomie de la Corse ?
Difficile de se prononcer pour le moment, nous ne savons rien de leurs propositions. Mais cela ne peut se limiter à une forme de décentralisation. Par « autonomie », nous entendons le transfert du pouvoir législatif à l’Assemblée de Corse, excepté peut-être dans les domaines régaliens [police, justice…, NDLR]. C’était le projet de notre alliance avec Gilles Simeoni [de Femu a Corsica], mais pour nous, ce n’est évidemment qu’une étape vers l’indépendance. Nous sommes une nation, et une nation doit être dotée d’une souveraineté pleine et entière.
Mais la Corse en a-t-elle les moyens ?
Il est certain que nous ne sommes pas dans la position de la Catalogne, qui est le poumon économique de l’Espagne, car la Corse a été volontairement appauvrie pour entretenir notre lien de dépendance à la France. Rappelons juste le concept de la loi douanière au xixe siècle : elle taxait les exportations et favorisait les importations, ce qui a brisé toute velléité de développement ! Pourtant, la Corse n’est pas pauvre : en PIB par habitant, nous nous classons dans la moyenne de l’Union européenne. Et notre déficit, de 6,5 % du PIB, est aussi dans la moyenne des pays de l’UE.
Vous réfutez donc l’image d’une Corse sous « perfusion » de l’Etat ?
C’est une affirmation péremptoire. Les chiffres officiels ne prennent pas en compte tous les revenus de l’île, comme ceux issus des jeux d’argent ou des contraventions, pas plus que les revenus, considérables – les sommes sont secrètes – que la France génère en louant la base aérienne de Solenzara [en Haute-Corse]. Surtout, il faut imaginer qu’une fois autonomes, puis indépendants, nous mènerons une politique, notamment économique, totalement différente. Nous mettrons par exemple fin au principe de la continuité territoriale qui a favorisé la concurrence à nos productions locales et nous a coupés de marchés potentiels. Et nous lutterons bien plus efficacement que l’Etat contre le « paracommercialisme », autrement dit « le noir », qui, dans le domaine du tourisme, représente 75 % de l’offre en Corse !
Dans les sondages d’opinion, les Corses se prononcent contre l’indépendance. Comment les convaincre ?
Vous savez, l’existence de la nation corse est désormais évidente : nous avons gagné haut la main la bataille culturelle, entamée au début des années 1970. Nos idées se sont imposées. Même les élus de droite, antinationalistes, se définissent désormais comme « autonomistes » et donnent des prénoms corses à leurs enfants ! Je suis donc très serein quant à l’avenir de la Corse.
Propos recueillis par