L'Obs

“Nous ne sommes pas pauvres”

- JEAN-GUY TALAMONI Leader du parti indépendan­tiste Corsica Libera et ancien président de l’Assemblée de Corse R.F.

Qu’espérez-vous des discussion­s avec l’Etat sur l’autonomie de la Corse ?

Difficile de se prononcer pour le moment, nous ne savons rien de leurs propositio­ns. Mais cela ne peut se limiter à une forme de décentrali­sation. Par « autonomie », nous entendons le transfert du pouvoir législatif à l’Assemblée de Corse, excepté peut-être dans les domaines régaliens [police, justice…, NDLR]. C’était le projet de notre alliance avec Gilles Simeoni [de Femu a Corsica], mais pour nous, ce n’est évidemment qu’une étape vers l’indépendan­ce. Nous sommes une nation, et une nation doit être dotée d’une souveraine­té pleine et entière.

Mais la Corse en a-t-elle les moyens ?

Il est certain que nous ne sommes pas dans la position de la Catalogne, qui est le poumon économique de l’Espagne, car la Corse a été volontaire­ment appauvrie pour entretenir notre lien de dépendance à la France. Rappelons juste le concept de la loi douanière au xixe siècle : elle taxait les exportatio­ns et favorisait les importatio­ns, ce qui a brisé toute velléité de développem­ent ! Pourtant, la Corse n’est pas pauvre : en PIB par habitant, nous nous classons dans la moyenne de l’Union européenne. Et notre déficit, de 6,5 % du PIB, est aussi dans la moyenne des pays de l’UE.

Vous réfutez donc l’image d’une Corse sous « perfusion » de l’Etat ?

C’est une affirmatio­n péremptoir­e. Les chiffres officiels ne prennent pas en compte tous les revenus de l’île, comme ceux issus des jeux d’argent ou des contravent­ions, pas plus que les revenus, considérab­les – les sommes sont secrètes – que la France génère en louant la base aérienne de Solenzara [en Haute-Corse]. Surtout, il faut imaginer qu’une fois autonomes, puis indépendan­ts, nous mènerons une politique, notamment économique, totalement différente. Nous mettrons par exemple fin au principe de la continuité territoria­le qui a favorisé la concurrenc­e à nos production­s locales et nous a coupés de marchés potentiels. Et nous lutterons bien plus efficaceme­nt que l’Etat contre le « paracommer­cialisme », autrement dit « le noir », qui, dans le domaine du tourisme, représente 75 % de l’offre en Corse !

Dans les sondages d’opinion, les Corses se prononcent contre l’indépendan­ce. Comment les convaincre ?

Vous savez, l’existence de la nation corse est désormais évidente : nous avons gagné haut la main la bataille culturelle, entamée au début des années 1970. Nos idées se sont imposées. Même les élus de droite, antination­alistes, se définissen­t désormais comme « autonomist­es » et donnent des prénoms corses à leurs enfants ! Je suis donc très serein quant à l’avenir de la Corse.

Propos recueillis par

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