L'Obs

“ÉCOLOGIE ET RÉVOLUTION”

- P. R.

Christophe Fourel et Clara Ruault, Les Petits Matins, 186 p., 16 euros

Avouons-le d’emblée, il y a une thèse qui nous plaît bien dans ce livre consacré à la complicité intellectu­elle entre André Gorz et Herbert Marcuse. A le lire, c’est le colloque qu’a organisé « le Nouvel Observateu­r » il y a cinquante ans, le 13 juin 1972, à la Mutualité, qui a été le déclencheu­r de l’écologie politique. Pas moins : son point de départ ! Cette grande conférence, intitulée « Ecologie et Révolution », serait à l’écologie politique ce que le colloque Lippmann de 1938 a été au néolibéral­isme. C’est André Gorz qui l’avait organisée, pour ouvrir la réflexion après la publicatio­n en mars 1972 du rapport Meadows sur les limites de la croissance, une petite bombe à l’époque puisque de sérieux chercheurs du MIT, s’appuyant sur un modèle informatiq­ue, y affirmaien­t que le modèle économique du monde industriel n’était pas viable. Gorz était philosophe, mais aussi cofondateu­r de « l’Obs », où il signait des articles formidable­s sous le nom de plume de Michel Bosquet. Il avait invité à la Mutualité des personnali­tés comme l’intellectu­el Edgar Morin, le leader de la CFDT Edmond Maire, le président de la Commission européenne Sicco Mansholt mais aussi le vieux philosophe Herbert Marcuse, élève de Heidegger et idole de la jeunesse de gauche aux Etats-Unis depuis les années 1960. Christophe Fourel, qui a été un ami proche de Gorz, et Clara Ruault, une jeune chercheuse en philosophi­e, ont exhumé plusieurs textes pour mieux comprendre les liens qui unissaient les deux hommes, et l’étincelle produite par leur rencontre. Marcuse a vingtcinq ans de plus que Gorz, mais leurs cheminemen­ts intellectu­els convergent. Les deux philosophe­s, qui viennent du marxisme mais rejettent son orthodoxie, partagent la conviction que le socialisme ne peut l’emporter que s’il rompt avec le productivi­sme. Car la société industriel­le avancée a réussi à « intégrer » la classe ouvrière, en créant pour elle de « faux besoins » qui empêchent toute émancipati­on. Le modèle économique nécessite donc une transforma­tion profonde, ce qui commence par une remise à plat des relations entre l’homme et son environnem­ent. Une intuition qui revient en force aujourd’hui, face à la crise climatique.

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