“TERRES DE SANG”
Timothy Snyder, Gallimard, 752 p., 32 euros
Ce n’est pas un nouveau livre, c’est même un classique, traduit dans le monde entier au début des années 2010. Mais Gallimard vient de le republier avec un bandeau d’éditeur aux couleurs de l’Ukraine et une postface inédite écrite juste avant l’invasion de celle-ci. Dans cette somme, l’historien américain Timothy Snyder, professeur à Yale, raconte comment, entre 1933 et 1945, 14 millions de civils ont péri en Europe centrale et de l’Est, victimes du nazisme puis de la terreur stalinienne. Camps, chambres à gaz, goulags, exécutions, famine : cette « catastrophe centrale de l’Europe moderne » fut concentrée sur une douzaine d’années et un territoire englobant Pologne, pays Baltes, Russie occidentale, Biélorussie et – surtout – Ukraine. Si nous mentionnons ce livre dans cette sélection, c’est parce qu’il nous semble indispensable pour comprendre les blessures mémorielles d’une Ukraine de nouveau martyrisée, qui fut prise entre la férocité de Staline (qui organisa fin 1932 une famine artificielle responsable de la mort de millions de civils) et la barbarie de Hitler (qui en 1941 choisit l’Ukraine occupée pour ses premières grandes tueries de juifs et de prisonniers de guerre soviétiques). Pendant les années où ils étaient tous deux au pouvoir, constate Snyder dans son introduction, « plus de gens furent tués en Ukraine que partout ailleurs, que ce soit […] en Europe ou dans le reste du monde ». Qui en avait vraiment conscience jusqu’à la publication de « Terres de sang » ?