L'Obs

Mon ténia mignon

- Par RENÉE GREUSARD R. G.

Je suis enceinte de six mois. Et ça a beau être la deuxième fois, je trouve cette a aire aussi fascinante qu’étrange. Je me balade partout avec un bébé qui grandit en moi. Et nous sommes censés trouver cela normal ? Impossible pour ma part. Je passe par mille états, en pleine ambivalenc­e maternelle. Parfois je trouve cette cohabitati­on comique (mon corps prenant une forme étonnante qui me donne une démarche de clown mou). Parfois je ressens de la colère ou de la tristesse de me sentir entravée dans mes mouvements et parfois juste de l’étrangeté. C’est-à-dire que mon bébé se nourrit de moi quand même ! Il se nourrit de ce que je mange et bois. Cela pourrait faire de lui une sorte de ténia inquiétant, mais le fait est qu’il a des traits adorables (merci l’écho 3D) et qu’on l’a désiré. La plupart du temps, c’est-à-dire quand j’y pense, je me sens envahie de tendresse et d’amour. Mon petit colocatair­e a des mouvements très fluides. Ses coups sont comme des vagues. Je l’imagine donc tout calme. Mais peut-être que je me trompe. Quand je suis seule, je lui parle. Je lui explique ce que nous allons faire. « Là, on va déjeuner avec bidulon. Tu verras, il est très sympa ! » Je lui dis que je l’aime. Je ne supporte plus les bruits extérieurs violents, ni les moments agressifs. Je suis comme dans une bulle d’apaisement, boostée aux hormones. Tout cela me permet de protéger mon colocatair­e. Mais qui dit que lui ne me protège pas aussi ? D’abord parce qu’il ralentit mon rythme et m’o re de vivre plus calmement, mais aussi peut-être grâce à ce que les scientifiq­ues appellent le « microchimé­risme foetal ». Comme pour une chimère, il peut arriver qu’un foetus transmette certaines de ses cellules à sa mère. Pour le meilleur comme pour le pire. Dans le meilleur des cas, ces cellules sont bénéfiques. Dans le pire des cas, les cellules du foetus peuvent perturber le système immunitair­e de la mère ( jusqu’à générer des maladies auto-immunes). L’ambivalenc­e de cette cohabitati­on se logerait donc même dans nos cellules ?

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